•    Lorsque je vis Shannon commencer à chuter, je courus la rattraper. Elle s'agrippa à mon bras et je l'aidai à remonter dans la salle. Un deuxième rugissement se fit entendre. Shannon perdit l'équilibre et tomba dans mes bras. Elle cala sa tête contre mon torse et passa ses bras autour de ma nuque. Mon visage s'empourprait à mesure que je sentais le corps de Shannon se serrer contre le mien.
    - Merci beaucoup Will.
    - De-de rien, Sh-Shannon, begayai-je.
       Roxane la foudroyait du regard. Je la déposai à terre puis lui demandai ce qu'il s'était passé. Elle me répondit qu'elle avait voulu mesurer la distance pour atteindre l'escalier et que le grondement l'avait déséquilibrée. Roxane se calma un peu. Spyke et Shiryu nous rejoignirent.
    - Qu'est-ce que c'était ? demanda le Cotorl.
    - On aurait dit un énorme lion !
    - Roxane, qu'est-ce qu'un lion ? la questionnai-je.
    - C'est un grand animal féroce. Je vous en montrerai un, un jour.
       Je m'imaginais alors une espèce de Samphors encore plus gros ! Soudain, nous entendîmes des pas et à la lumière du coucher du soleil, je vis une bête noire, au long cou, aux ailes repliées contre son corps et à la queue fouettant le sol.
    - Fuyez ! cria Spyke. C'est un dragon !
       Nous courûmes jusqu'au fond de la salle, mais le dragon était plus rapide. En quelques pas, il fut devant nous. Il s'arrêta, renifla l'air et déploya ses ailes. Je vis Shiryu commencer à se mettre en position d'attaque mais Spyke, lui, cherchait un moyen de fuir. Tout le monde retenait son souffle, comme si le moindre bruit aurait pu offenser la bête. Mais lorsque le dragon m'aperçut, il rapprocha son museau pour me sentir. Puis, il posa sa tête contre mon corps.
    - Je crois qu'il est amoureux de toi, Will ! rigola Spyke.
       Tout le monde rit. Mais, inconsciemment, je serrai le museau noir du monstre contre mon visage.




       Je cours dans une forêt. Après avoir fui mes poursuivants, je me retrouve nez à nez avec un jeune dragon noir. Il semble perdu et inoffensif. Peut-être son maître l'a-t-il abandonné ? Je décide donc de l'emmener avec moi. Ses flammes sont puissantes, mais je n'ai toujours pas trouvé son propriétaire. Je lui ai donné le nom de Mander, même si je ne connais pas le vrai, et il a l'air d'y répondre.
    En arrivant à Waeli, je le laisse dans un paquet que je pose dans le temple de la déesse, pour que quelqu'un le trouve et l'aide mieux que moi. Avant de le laisser, je pose mon visage contre le sien.




       Je ne savais pas pourquoi je l'avais fait, mais me remémorer ce moment m'emplit de joie. J'avais passé de bons moments avec ce petit dragon. Notre séparation m'avait profondément touché mais je ne pouvais pas m'occuper convenablement de lui. Quels étaient donc ces problèmes qui m'avaient tant préoccupés ? Je n'arrivais pas à m'en souvenir. Quoi qu'il en soit, j'étais plutôt gentil envers les animaux pour un criminel si recherché !
    - Tu sembles le connaître, non ? demanda Shannon.
    - En effet, je l'ai trouvé dans la forêt mais il est plus grand que dans mes souvenirs.
    - Les dragons grandissent rapidement et vivent très longtemps, nous apprit Spyke. C'est ce qui fait leur particularité.
    - Je l'avais appelé Mander. Je ne sais pas pourquoi, mais il répond à ce nom.
       En effet, l'animal releva la tête en l'entendant. Puis il se roula en boule et s'endormit, bientôt rejoint par Spyke.
    - Heureusement qu'il te connaissait, dit le Démon. Les écailles des dragons sont incassables et il paraît qu'ils sont très puissants.
    - C'est lui qui a stoppé les statues, s'étonna Shannon ?
    - Je crois qu'il a fait bien plus. Lorsque le rugissement a retenti, vos auras ont momentanément disparu, expliquai-je. Mander a dû annuler toute la magie.
    - Ce qui veut dire que les gardiennes sont des sorts. Quelqu'un doit donc les contrôler.
    - Et ce n'est pas un Cotorl sinon Spyke n'aurait pas pu en contrôler une, dit Roxane.
    - Il nous faut trouver cette personne.
    - Et aussi le trésor !
    - Mais pour ça, dit Shannon, nous devons trouver comment monter à l'étage supérieur.
    - On a qu'à utiliser le dragon ! annonça Spyke.
      Il fit sursauter tout le monde.
    - Depuis quand es-tu réveillé ? demanda Roxane.
    - Je ne dormais pas, voyons !
    - Tu proposes d'utiliser Mander ?
    - Je suppose qu'il sait voler et un dragon est puissant donc il peut nous porter sur son dos.
    - Comment le lui expliquer ?
    - C'est un animal, pas besoin de lui expliquer, répliqua Shiryu.
       Il s'approcha du dragon, le réveilla et monta sur son dos. À ce moment-là, la bête fit une ruade et envoya le Démon contre le mur. Comme je connaissais le dragon, les autres me demandèrent de lui parler. Je commençai par m'excuser pour les manières brusques de Shiryu. Le dragon hocha la tête comme s'il avait compris. Je continuai donc par lui demander s'il pouvait nous emmener vers l'escalier suspendu, en lui montrant celui-ci. Il hocha encore la tête, il était donc d'accord, et se baissa pour qu'on puisse grimper sur son dos. J'aidai les filles à monter puis je me mis derrière Roxane et Spyke vint derrière moi. Quand Shiryu voulut grimper, Mander le fouetta avec sa queue et il se retrouva une nouvelle fois contre le mur. Mais le Démon ne s'avoua pas vaincu.
    - Eh, on fait la course ! Le premier arrivé à l'escalier gagne le respect de l'autre !
       Le dragon sembla sourire. Shiryu étendit ses ailes.
    - Tu vas perdre !
    - Spyke, ne sais-tu pas que je suis le champion de la course aérienne ?
    - Fais comme tu veux, mais ne viens pas te plaindre.
       Après avoir donné le signal du départ, je sentis les muscles du dragon se contracter et je vis Shiryu courir jusqu'à la rambarde. Puis, au moment où le Démon sautait et déployait ses ailes, Mander bondit et s'envola rapidement vers l'escalier.


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  • - Alors ? Qui a gagné ? s'enquit Spyke.
    - Ça c'est joué de peu, mais c'est Mander qui est arrivé premier.
    - Pourquoi j'ai dormi ?!
    - En plus, tu es tombé, dis-je en aidant Roxane à descendre du dragon. Il a fallu que Mander fasse demi-tour et te rattrape !
    - Et il a quand même gagné ?!
       Je hochai la tête.
    - Ah! Ah! Shiryu, t'es nul ! Enfin, je t'avais prévenu. Mander, amuse-toi bien avec lui !
       Le dragon grogna en guise de son assentiment. Puis, il tourna la tête vers le fond de la salle. Nous fîmes tous de même et la virent enfin : la statue de la déesse Waeli, éclairée par la lune. Elle était grande, d'un bleu-vert rappelant la couleur du temple et on pouvait voir dans sa main le même bâton que celui de Shannon et une couronne d'argent surplombant sa longue chevelure. Mais ce n'était pas la Déesse que Mander observait, mais plutôt les deux moines s'approchant de nous. Ils étaient vêtus d'une longue robe blanche et tenaient chacun soit un bâton blanc, soit une lance blanche. Deux statues gardiennes les suivaient mais elles étaient différentes de celles que nous avions déjà croisées. Elles avaient toujours deux têtes, mais possédaient un corps énorme, quatre bras et une épée dans chaque main.
    - C'est donc vous qui avez pénétrés sans permission dans le temple !
    - Et vous, dit Spyke, vous êtes ceux qui contrôlez les statues.
    - Depuis quand faut-il une permission pour rentrer dans le temple ? demanda Shannon.
    - Ô grande guérisseuse Shannon ! Nous obéissons aux ordres, quant à vous, vous vous faites manipuler par ces hors-la-loi.
    - Quels ordres ? Et ces hommes m'ont sauvé la vie !
       Les gardiennes se rapprochaient tout doucement. Mander, épuisé par sa course dans le temple, se coucha dans un coin de la salle. Après tout, ce n'était qu'un bébé.
    - Bon écoutez, commençai-je, nous voulions juste visiter le temple. Mais si vous n'êtes pas d'accord, nous allons partir.
       Je me retournai lorsqu'une lance vint se loger dans le mur juste devant moi. Shiryu prit cela pour une offensive et attaqua l'homme qui n'avait plus son arme. Spyke, lui, s'était dirigé vers l'autre mais les statues se placèrent en travers de son chemin. L'homme se dirigea alors vers Roxane, son bâton en avant, et toucha les deux jeunes femmes avec son arme. Je vis un faisceau lumineux se diriger vers les jeunes filles, soudain transformées en statues.
    - Roxaaaane ! criai-je.
       Je pris l'un de mes sabres et courus vers le moine. Il ne s'y attendait pas et reçu le coup en pleine tête. Mais, au lieu de couper, mon arme percuta son crâne, changé en pierre. Devant mon incompréhension, il en profita pour essayer de me toucher avec son bâton mais par chance, je vis l'énergie circuler et j'esquivai le coup. Il fit tourner son bâton pour utiliser l'autre côté magique et par réflexe, je parai son coup avec mon sabre. Les échanges étaient rapides et je sentais mon corps entier accélérer en rythme avec les battements de mon cœur. Au bout d'un moment, alors que je voyais qu'il baissait peu à peu sa garde, je profitai d'un moment d'inattention de sa part pour l'attaquer entre les côtes. Mais le fer se planta dans la pierre, et pendant que j'essayais d'extirper mon épée, le moine en profita pour me frapper dans l'estomac avec un poing statufié.




       Pendant ce temps, Shiryu évitait les morceaux de statues que lui envoyait l'autre moine et lui projetait des boules enflammées. Il profitait aussi de certains moments pour lui envoyer des filets d'eau de sorte à coller son vêtement contre son corps et ainsi rendre ses mouvements moins fluides. De plus, l'eau gouttait, rendant le sol glissant. Il jeta sa cape au sol pour apparaître torse-nu devant son adversaire. Celui-ci semblait légèrement troublé mais continuait de faire mouvoir des morceaux de statues vers le Démon. Shiryu devait non seulement éviter les morceaux que lui projetait l'homme, mais aussi ceux qui étaient derrière lui. Il finit dans un tourbillon de débris qui se resserrait autour de lui. Lorsqu'il envoya des boules de feu pour briser les morceaux de statues, elles furent transportées dans la tornade et amplifièrent sa vitesse.
       Shiryu prit donc son envol et lança une décharge électrique dans le centre du tourbillon. Il éclata et tous les morceaux tombèrent sur le sol. Le moine utilisa son pouvoir pour reconstituer le corps de deux gardiennes du temple. Shiryu se prépara à les attaquer en répandant de l'électricité sur tout son corps. Il détruisit la première en frappant les cercles sur ses fronts puis après avoir enflammé ses mains, il fit fondre les bras de la deuxième statue, ce qui la détruisit. Le moine, fou de rage, envoya ses dernières pierres sur son adversaire puis, tournant la tête, il aperçut quelque chose qui le fit sourire. Shiryu se retourna, lui aussi, et vit Will à terre, ses bras serrant son ventre. Son sang ne fit qu'un tour. Il chargea vers l'homme à la lance, mais fut arrêté par deux statues qui lui semblaient familières. Il essayait de se débattre, mais elles ne lâchaient pas prise. Il essaya de se calmer pour mieux réfléchir et décida de toucher leurs faiblesses à l'aide de ses puissantes ailes. Mais lorsqu'il tourna la tête pour trouver le meilleur point d'appui, il comprit qu'il ne pouvait rien faire. Car ce n'étaient pas les gardiennes qui le retenaient. Ce n'étaient pas des statues du temple.
       C'étaient Shannon et Roxane.



       Spyke se retrouva face aux deux étranges statues. Il les observa rapidement et vit une ligne verticale le long de leur corps. Leurs déplacements se faisaient lentement à cause de leurs poids, mais le coup que Spyke se prit était rapide. L'une des statues avait fait tourner ses épées dans tous les sens et lui avait éraflé le bras gauche. Mais il s'en fichait, c'était sur le pouvoir de son bras droit qu'il comptait. Le Cotorl envoya son esprit dans le corps d'une statue et attaqua la deuxième. Les statues étant reliées entre elles, il entendit des paroles étranges.
    - Que se passe-t-il ?
    - Au secours, Will !
       C'était la voix de Roxane. Shannon lui répondit :
    - Mais tais-toi ! De toute façon il ne t'entend pas.
       Alors qu'il voulait leur répondre, l'esprit de Spyke fut expulsé de la statue. En retrouvant son corps, il eut un énorme choc et tomba au sol. Il avait réussi à détruire une tête et deux bras à la statue mais elle vivait toujours.
    -Elles n'ont pas le même point faible que les statues gardiennes, pensa-t-il tout haut.
       Mais la statue qu'il avait contrôlée le frappa d'un violent coup de poing. Elle était arrivée très vite et avait frappé avec une force inouïe. Mais Spyke avait paré au dernier moment le coup avec son épée. Le contrecoup provoqua la destruction du bras de la statue ! Continuant dans sa lignée, Spyke trancha les têtes de la statue qui tomba au sol. Il lâcha son arme devenu trop lourde à cause de l'énergie déployée pour projeter son esprit et briser la statue. Il n'aurait jamais dû faire ça. En effet, l'autre statue était arrivée derrière lui et ouvrait ses bras tel un ours voulant effrayer son adversaire. Soudain, son ventre s'ouvrit au niveau de la ligne, l'avala et se referma sur l'Ellecs apeuré.


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  •    Depuis combien de temps marchait-il ? Spyke ne s'en souvenait pas. Il ne s'en souvenait plus. Il regarda pour la énième fois autour de lui. Il n'y avait rien, pas même un sol. Il marchait dans le vide, où tout était blanc. Pas d'arbres pour se reposer, d'étendues d'eau pour se rafraîchir, de plantes pour se nourrir. Il s'assit alors sur le sol et attendit. Il attendait qu'on vienne le sortir de sa prison lumineuse. Mais en dehors, ce n'était qu'une pierre sur le bord de la route, gravée d'avertissements. Et personne ne venait le libérer. Il était seul, il était fatigué et il en avait marre.
    - SAUVEZ-MOI !!!

     

       Spyke se réveilla dans la pénombre. Le silence l'oppressait, tout comme les murs qui l'entouraient. Et ce n'était pas des murs qui l'entouraient, mais plutôt les contours de la statue. Il était de retour dans la statue gardienne.
       Mais Spyke n'en pouvait plus. Il avait déjà été enfermé pendant un millénaire, il ne pouvait pas se retrouver de nouveau pris au piège. Il ferma alors les yeux pour trouver un moyen de sortir. Soudain, une idée lui vint. Le Cotorl se concentra et chercha son épée par la pensée. Elle était à quelques pas de la statue. Il réussit à lui donner assez de puissance pour qu'elle puisse détruire la statue et leva la main doucement. L'arme suivit le geste et s'éleva. Spyke fit alors plusieurs mouvements de la main et l'épée trancha la statue. Il sortit des décombres et récupéra son arme.
    - Tu n'es pas assez puissant pour me priver de ma liberté ! lui lança-t-il.

     

     

     

       Shiryu était prisonnier des statues des filles. Il était à la merci du moine, il le savait. Il baissa alors la tête, comme s'il ne voulait pas voir ce qu'il allait arriver. Le moine prit donc sa lance et, après avoir pris de l'élan, couru vers le Démon en criant.
    - Rejoins tes ancêtres, Démon !
       Mais alors qu'il passait au-dessus de la cape de Shiryu, il s'immobilisa. Le Démon émit un long rire diabolique puis expliqua pourquoi il s'était arrêté.
    - Tu es tombé dans mon piège, petit imbécile ! Si tu regardes bien, je n'ai pas posé ma cape n'importe comment.
       Le moine regarda à ses pieds. La cape formait un cercle l'entourant.
    - Si seulement tu avais pensé à regarder où tu marchais, tu aurais pu voir que j'avais tracé des formes autour de ma cape.
       Le sol était recouvert de trous et de débris. Mais si on observait bien, on pouvait voir que la cape était le centre d'une figure géométrique plutôt étrange.
    - Kartugo ovinmil lagtru uopbesi ifga at tolmif ! cria-t-il.
       À ces mots, les pupilles de Shiryu disparurent et ses yeux devinrent noirs. Les débris de statues lévitèrent, tournant sur eux-mêmes, tandis que les orifices créés par les explosions des boules de feu de Shiryu s'illuminèrent, formant un immense pentagramme ayant le moine pour centre. Les débris s'alignèrent au dessus des trous et, lorsque le Démon ferma les yeux, ils tombèrent dans les trous lumineux. Il prit une profonde inspiration, comme pour emmagasiner de l'énergie. Les trous illuminèrent toute la salle, aveuglant le moine immobile. Puis, d'un coup, Shiryu relâcha sa respiration en ouvrant les yeux. Il fixa son adversaire. Un grondement se fit ressentir à travers le sol. Soudain, comme sorties des entrailles de la terre, de gigantesques colonnes de pierres s'élevèrent des trous et se rejoignirent en un point : le centre de l'étoile. Du sang gicla. Des morceaux de corps se mêlèrent aux débris de statues. Les cinq colonnes s'affaissèrent pour reboucher les orifices. Il ne restait, à l'emplacement de la cape de Shiryu, que des flaques écarlates. Celui-ci était pris d'un fou rire démoniaque.
       Il ne s'arrêta que lorsqu'il se rappela qu'il était encore retenu par Roxane et Shannon.

     

     

     

       Allongé sur le sol, je me tenais le ventre. Le coup m'avait assommé et je voyais des petites étoiles un peu partout. Ma respiration était saccadée. Derrière moi, j'entendais des bruits de fracas, de combats. Spyke et Shiryu se battent encore, pensai-je.
       Je regardai du côté de Spyke. Une imposante statue arriva derrière lui et l'enferma dans son corps. Quant à Shiryu, le moine s'élança vers lui tandis que deux statues retenaient le Démon.
       Je trouvais les statues familières. L'une avait de longs cheveux et un beau visage fin. Je reconnu Shannon. Donc ce qui voulait dire que l'autre statue était...
        Roxane ! Ils osent utiliser les corps de mes amies ! Ils vont me le payer !
       Je n'avais, tout d'un coup, plus mal. La colère m'empêchait de ressentir autre chose. Un phénomène étrange se produisit : une aura blanche recouvrit mon corps entier. Je me relevai et offris à mon adversaire un visage sans expression, et pourtant je ressentais une colère immense. Il passa d'une expression victorieuse à de l'étonnement puis à de la peur. Il s'éloigna de moi, mais cette colère avait décuplé mes forces. À moins que ce ne soit l'aura blanche.
       Je ramassai mon sabre et me déplaçai à une vitesse fulgurante vers le moine. Il se retourna et je lui assénai un violent coup dans l'épaule droite. Il changea de nouveau sa peau en pierre et mon sabre ne lui fit rien. À peine avait-il reprit sa forme normale que je le frappai de nouveau. Là encore, il ne sentit rien. Je pris alors mon deuxième sabre et alternai les coups pour qu'il n'ait pas le temps de se changer en statue. Sur toutes mes offensives, seules deux le touchèrent : sur sa cuisse gauche et sur son bras droit. Il lâcha son bâton magique après s'être changé entièrement en pierre. Mes assauts ne le blessaient plus.
       Je rangeai un de mes sabres et fis alors quelque chose que je n'avais encore jamais fait. Je pris le sabre restant avec mes deux mains et concentrai mon énergie dans celui-ci. Je voyais la lueur blanche m'entourant couler jusque la lame et emplir la salle de lumière. Je m'avançai doucement vers le moine et, en un coup de sabre, je lui coupai le bras gauche, comme on coupe une viande tendre. Il redevint normal, cria et tomba à terre. Je me mis au-dessus de lui, le bras prêt à s'approcher, le sabre prêt à sectionner sa gorge. Il avait peur, je pouvais le sentir. Son cœur s'affolait. Soudain, une silhouette féminine se profila devant la grande fenêtre devant moi. La lumière de la lune créait un contre-jour qui m'empêchait de bien voir qui c'était.
    - Vas-y ! Tue-le ! m'ordonnait-elle.
       Je ne répondis pas. Sa voix était douce et de plus en plus forte. Elle se rapprochait.
    - Qu'est-ce que tu attends ? Il va s'enfuir !
       Le moine commençait à reculer. Le femme se rapprochait. J'apercevais maintenant de long poils autour de son cou et, dans la pénombre, des yeux de bête me fixaient. Ses yeux.
    - Dépêche-toi de lui trancher la gorge !
       Alors que je me résignais à le laisser en vie, trop occupé à observer la femme qui s'approchait de moi, l'homme blessé me donna un coup dans le tibia et me fit tomber. Le halo qui m'entourait faiblit tandis que je perdais l'équilibre. Je chutai sur le moine et mon sabre se planta dans son cœur.

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  • - Nooooon !!!
       Je venais de tuer ce moine et j'avais l'impression d'être un assassin. Je m'agenouillai devant le cadavre et le secouai pour essayer de le ranimer. Rien.
    Alors, je suis vraiment un criminel ?
    - Tu ne peux plus rien pour lui, me dit l'étrangère.
       Je l'observai. Je la voyais maintenant très bien et je pus observer son visage entouré de longs cheveux noirs. Ses yeux étaient ambrés et sa bouche, fine. Elle portait une courte robe grise et de la fourrure fauve sur les épaules. Et le plus étonnant n'était pas ses pieds nus marchant silencieusement sur le sol, mais plutôt cette chose qui bougeait dans son dos. Une queue. Y avait-il un animal ?
    - Tu n'es vraiment pas comme lui. Il n'aurait pas hésité à le tuer.
       De qui parlait-elle ? Est-ce que ce ne serait pas de moi... dans le passé ?
       Mais alors, elle me connaît !
       J'étais donc bien un criminel et mon destin était de tuer. Un tueur... Mais je ne voulais pas de ce destin. Je voulais tracer mon propre chemin, sans crime. Vivre libre, sans être recherché, et pouvoir faire ce qu'il me plaisait. Mais d'ailleurs, qu'est-ce qui me plaisait ? Je ne le savais plus.
       La jeune femme commença à s'en aller. Elle se retourna et je vis enfin à qui appartenait la queue : elle sortait de sous sa courte robe. C'était la sienne !
    - Attendez ! Qui êtes vous ? lui demandai-je.
    - Nous nous reverrons bientôt. Mais en attendant, je veux bien te dire mon nom : Okimi.
       Un souvenir remonta dans ma mémoire. Je vis un louveteau courir dans une forêt enneigée pour rejoindre sa meute. Et lorsque je repris mes esprits, Okimi était partie. Mon attention se porta sur le moine, mourant.
    - Spyke ! Tu peux venir m'aider ? appela Shiryu.
       Spyke se tourna vers le Démon et rit.
    - Shiryu ! Tu t'es fait capturer par les filles !
    - Arrête de rigoler et viens me libérer !
       Spyke avança vers le dragon et se coucha près de lui. Shiryu m'appela alors. Mais je ne voulais pas détruire les statues des filles, aussi j'essayai de trouver une autre solution.
    - Au fait, Shiryu, tu as bien dit que lorsque je tuais quelqu'un, je faisais une marque sur lui ?
       Il me répondit que oui et me rappela le signe. Je fis donc, avec le sang du moine, un losange au dessus de son cœur, un W et un cercle en dessous. J'attendis, mais rien ne se produisit. Shiryu me dit aussi que je mélangeais mon sang avec le sien et que je posais mon doigt dans le cercle. À peine avais-je posé mon empreinte que les lumières s'éteignirent. Au même moment, je chutai dans le vide. Le temple avait disparu. Puis la descente s'arrêta et, devant moi, flottait un fantôme. C'était le moine. Il se rapprochait de moi. J'essayai de bouger, mais pas le moindre geste ne fut possible. Le revenant était maintenant à quelques pas devant moi. Je criai, mais aucun son ne sortit de ma bouche. Le fantôme du moine rentra en moi et je me retrouvai dans la salle du temple. Je demandai alors à Shiryu s'il avait vu quelque chose. Il me répondit qu'une lumière m'avait entouré juste après avoir posé mon doigt et, qu'ensuite, je lui posais la question. Que s'était-il passé alors ? Peut être était-ce un avertissement ?
    - Que vouliez-vous me dire ? demandai-je au mort en posant ma main sur son bras.
       Soudain, une vive lumière s'échappa de ma main droite, posée sur le membre du moine, et celui-ci commença de se transformer en pierre. Je retirai vite ma main et la transformation s'arrêta.
       C'est moi qui fait ça ?
       Je posai cette fois-ci l'autre main, pour voir si la même chose se produisait. Mais au lieu que la pierre ne se propage sur tout le corps, elle se résorba. Je pouvais changer en pierre ce que je touchais ! J'avais pris le pouvoir du moine !
       C'était sûrement ça, le fantôme !
       Je me précipitai alors vers le Démon.
    - Vu ton sourire, tu as une idée, me dit-il.
    - Oui, je vais t'expliquer.
       Et en même temps que je posais ma main gauche sur le bras de Roxane, j'expliquai à Shiryu comment j'avais acquis ce pouvoir. Il s'en étonna et sentit la main de Roxane se détacher de son bras, reprenant peu à peu sa vraie nature. Je passais donc à Shannon.
    - Merci, Will, me dit la Cotorl, de m'avoir sauvée...
       C'est à ce moment que Shannon me sauta dans les bras en me remerciant.
    - Oh Will ! Je t'adore ! Que serions-nous sans toi ?
       Pris dans son étreinte, je ne pus répondre.
    - Et toi, Shiryu, ton bras est si musclé !
    - Et ta main, si douce, lui répondit-il.
       Nous laissâmes les deux jeunes gens s'échanger des compliments et retournâmes devant le moine. Roxane reprit ses remerciements.
    - Merci beaucoup...
    - De quoi ?
    - De m'a... de nous avoir sauvées.
    - Oh ! Ce n'est rien. Shiryu était prêt à vous détruire pour se libérer.
    - Mais comment avez-vous pu contrer le sort ?
       Je lui racontai la façon dont j'avais récupéré le pouvoir du moine.
    - Je l'ai tué, Roxane.
    - Il nous avait agressés.
    - Mais je l'ai tué !
    - Je vois où vous voulez en venir. Will, vous n'êtes plus un criminel.
    - Je l'ai été et le resterai ! Il serait judicieux de me rendre.
    - Non !
       Elle s'énerva et ses yeux rougissaient. Après un long silence, je changeai de conversation.
    - Croyez-vous au destin ?
    - Oui... Je pense que chacun de nous à son propre destin qui le guide.
    - Quel serait le vôtre ?
       Elle réfléchit et me répondit.
    - Je pense être votre guide, pour vous aider à retrouver la mémoire. Et vous ?
    - Je ne sais pas...
    - Alors disons que votre destin est de me protéger... de nous protéger ! Et de retrouver la mémoire.
       Elle me sourit. Comme j'aimais son sourire !
    - Très bien, je vous protégerai jusqu'à ma mort et même plus, si cela est possible ! Et je retrouverai la mémoire !
       Nous rîmes comme si je disais une bêtise. Puis, souriant, nous nous regardâmes dans les yeux. Je vis cette multitude de cercles rouges semblable à une spirale et me perdis dans ces yeux. Nos visages se rapprochaient peu à peu, quand soudain...
    - Dites, j'voudrais pas vous déranger, mais on n'était pas venu chercher un trésor ?
       Shannon me prit par le bras et m'emmena près de la statue.
    - Normalement, il est pas loin.
       J'observai l'immense sculpture. Le visage de la déesse semblait sérieux, comme si elle savait où se trouvait le trésor et ne voulait le révéler à personne. Elle portait une robe ouverte sur ses genoux et une couronne sur sa longue chevelure. Elle tenait un bâton dans une main et une rose dans l'autre, tendue vers l'avant. C'était la réplique parfaite des statues bordant les routes de Waeli.
    - Waela est vraiment belle, dis-je.
    - Regardez ! cria Shiryu. Une perle !
       Je remarquai qu'une magnifique perle bleu-vert pendait à son cou.
    - C'est sûrement le trésor ! Je vais la chercher.
    - Non, Shiryu ! cria Spyke.
       Mais il était trop tard, le Démon s'était déjà envolé. Je lui demandai alors de descendre avant de faire une bêtise. Il fit la sourde oreille.
    - Je vais essayer de la retirer, dit-il comme pour lui-même. De toute façon, si c'est une pierre comme une autre, je la remettrai en place.
       Il mit alors ses mains sur la perle et tira. Mais il ne réussit même pas à la déplacer un petit peu.
    - Shiryu, l'appelai-je, laisse tomber et viens nous aider à trouver le vrai trésor.
    - Il faut peut-être la pousser ? demanda-t-il pour lui-même.
    - NOOOOON ! lui criai-je.
       Trop tard. Shiryu venait de pousser la perle, qui s'encastra dans la statue. À cet instant, une intense lumière submergea l'imposante sculpture et nous fûmes aveuglés. Le Démon atterrit brusquement et tenta de nous rejoindre, alors que le dragon se réveillait en sursaut. Quand la lumière disparue, la statue était colorée et on pouvait presque croire qu'elle respirait. Soudain, elle ouvrit les yeux, des yeux entièrement noirs, et nous sursautâmes tous. Elle avait une peau d'albâtre, couverte de tatouages linéaires de la même couleur que ses cheveux.
    - Je suis Waela, déesse de la guérison et de la sagesse. Je sais qui vous êtes. Roxane, ...
       La jeune fille ne s'attendait ni à ce que la statue parle, ni à ce qu'elle l'appelle.
    - ...ne te fies pas aux apparences, tu es plus importante que tu ne le crois. Mais ne fais pas confiance à n'importe qui. Cela pourrait te coûter cher. Shiryu, ...
       Le Démon, qui allait sortir une blague, se tut et écouta.
    - ...tu n'es pas celui que tu penses être. Fouille dans ton passé et tu sauras ce que ton futur te réserve. Shannon, ...
       La guérisseuse se courba devant sa maîtresse.
    - ...tu as été trompée dans ta jeunesse, sur bien des points. Mais tu ne sers pas la bonne personne. Apprends à te connaître et tu pourras te pardonner. Spyke, ...
       L'Ellecs baissa la tête et évita son regard. - ...je n'ai rien à te dire, tu le sais déjà. Néanmoins, sache que je te soutiens. Enfin, Will, ...
       Je l'observai avec insistance. Voilà enfin quelqu'un qui pouvait répondre à mes interrogations.
    - ...prends ceci, dit-elle en tendant la perle qu'elle portait un peu plus tôt autour du cou, et trouve celle des autres Dieux. Meluny, la Grande Déesse, te dira ce que tu dois en faire. Je ne peux t'apporter précisément ma sagesse, tu n'as le droit qu'à une question.
       Une seule question ?! C'était trop peu pour moi, un amnésique. Il me fallait donc choisir en vitesse.
    - Suis-je réellement un criminel ?
    - Oui et non. Là est ma réponse. Maintenant, prends ma perle et va trouver Meluny.
       Je récupérai donc le bijou, déçu, et la Déesse disparut dans un océan lumineux.
    Qui étais-je donc ? Qu'entendait-elle par "oui et non" ? Je suis un criminel ou pas ? J'avais l'impression que depuis mon réveil, ma vie n'était qu'une simple question : pourquoi vis-je ?

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  • - Vous allez à Kaderma, la ville des jeux et de l'argent ?
    - Merci Pyrus, dit Shiryu. Enfin quelqu'un qui connaît cette ville !
       Pyrus était un jeune homme qui était venu nous voir alors que nous venions de sortir du temple. La statue ayant disparu avec la Déesse, nous étions sortis, avec l'aide de Mander, par un trou dans le plafond du temple et avions fuit en direction de la forêt. J'avais rangé la perle, qui était devenue de la taille d'un œil, dans un sac que m'avait fourni Shannon. La guérisseuse nous avait suivi, prétextant qu'elle voulait comprendre ce que Waela lui avait dit. À peine avions nous atteint l'orée des bois que Pyrus, tout fier, sortit de sa cachette en criant qu'il voulait se joindre à une bande de criminels. Les villageois avaient commencé à se lever, en cette douce matinée, et avaient entendu Pyrus. Nous dûmes donc courir à travers la forêt pour nous cacher et étions en train de nous reposer dans une petite clairière.
    - C'est pas ma faute si j'étais scellé pendant qu'elle se construisait !
    - T'es un Ellecs ?! J'ai toujours rêvé d'en rencontrer un ! Je peux te poser quelques questions ?
       Je trouvais Pyrus un peu trop curieux.
    - D'abord, parle nous de toi, lui demandai-je. Qui es-tu ?
    Pendant ce temps, Spyke alla s'allonger contre un arbre.
    - Je suis Pyrus, recherché pour meurtre, et je voudrais renverser le Roi et prendre sa place.
    - Renverser le Roi ?! s'étonna Roxane. Pourquoi ?
    - Tout simplement parce que je ne l'aime pas et que je voudrais changer le monde, pour qu'il soit meilleur pour nous, les détenteurs de dons.
    - Et quel est ton don ? demanda Shannon.
       L'homme tendit son bras gauche devant lui et serra son point. Celui-ci s'enflamma, sans que son costume blanc ne soit brûlé. Pourtant, nous pouvions sentir la chaleur du feu. Puis, Mander atterrit et effraya Pyrus. L'homme voulu donc montrer ce qu'il savait faire en tuant ce dragon, mais je l'en empêchai. Je lui dis que l'animal était avec nous.
    - Dans ce cas, je vais détruire ce truc là-bas.
       Shiryu l'en empêcha. C'était Spyke qu'il voulait attaquer. Intrigué par son haut-de-forme, le Démon lui demanda à quoi il lui servait.
    - Oh! C'est un chapeau-sac. J'adore les chapeaux, j'en ai d'ailleurs un bon nombre, et celui-ci est constitué d'un vortex permettant de ranger tous les objets qu'on met dedans. Bien sûr, il faut qu'il puisse passer par le trou. Oh! J'ai une idée.
       Il enleva son chapeau, mit la main dans l'orifice et fouilla. Il en sortit un énorme morceau de viande. Il le garda dans sa main gauche et le fit cuire. Puis, il nous donna des morceaux et Shannon ayant trouvé des feuilles comestibles, nous pûmes enfin manger. Tout compte fait, il était plutôt sympathique.
       Peu après, Mander, qui avait mangé les restes de la viande, s'envola vers le cœur de la forêt. Quand il revint, il était trempé des pieds à la tête. Je lui demandai où il était parti et il nous emmena près d'un lac. Il était entouré de saules pleureurs et l'eau était calme et limpide. On pouvait voir les cailloux composant le fond de l'étendu d'eau. Shannon nous proposa de nous laver, ce que nous acceptions. Après toutes ces courses et ces combats, nous étions vraiment sales. Les deux jeunes femmes nous laissèrent nous laver les premiers et retournèrent alors près du feu. J'observai le lac et ses alentours pendant que les autres enlevaient leurs vêtements. Nus, ils se jetèrent à l'eau. Je les vis faire une course puis une bataille d'eau, assis sur le sol. Ils s'amusaient beaucoup et je pus remarquer que tous trois étaient musclés.
       Le lac n'était pas très grand. Il n'avait pas l'air d'être très profond non plus. Alors que les arbres étaient gros et imposant. Le vert des saules faisait ressortir la clarté de l'eau. Les rayons du soleil étaient renvoyés par les minéraux composant le fond du lac. Mon attention fut détournée par un rapide mouvement dans l'eau. Je n'eus pas le temps d'apercevoir la silhouette mais c'était quelque chose de plus gros qu'un poisson. Je m'approchai du bord, essayant de retrouver la trace du fuyard, lorsque Spyke me poussa. Je tombai et me débattis pour garder la tête hors de l'eau, le souvenir de ma noyade dans le ruisseau remontant dans mon esprit. Puis, voyant tout le monde debout, je compris que je pouvais me lever. Nous rîmes de bon cœur. J'enlevai mes habits trempés et les étendai sur l'herbe puis retournai dans l'eau, bien décidé à faire payer l'Ellecs pour cet affront. Mais celui-ci m'attendait et m'envoya tellement d'eau que je finis par tomber à la renverse.
    - Spyke, dis-je en me redressant douloureusement, tu m'énerves !
       Mais, alors que je mettais ma main sur son visage pour lui faire boire la tasse, il commença à se transformer en pierre. Lorsque je m'en rendis compte et que j'eus enlevé ma main, sa tête était entièrement statufiée. Je posai alors mon autre main sur son crâne et tout redevint dans l'ordre.
    - T'aurais pas dû t'arrêter, m'annonça-t-il, j'aurais eu une statue me représentant !
    - T'es bête, Spyke, dit Shiryu. Mais si tu devais faire des statues, fais d'abord la mienne.
       Après avoir bien ri et nous être lavés, nous nous asseyâmes dans l'herbe pour nous sécher. Pendant que le soleil nous réchauffait, Pyrus nous parla de sa famille. Son père était tailleur. Il confectionnait toutes sortes de vêtements, du simple bonnet aux robes les plus élégantes de la Reine. Mais lorsque celle-ci mourut, le Roi ordonna de l'enfermer lui et sa famille dans un des cachots, l'accusant d'avoir tué sa femme. Pyrus était absent lorsque ceci se produisit et fut donc épargné de la sentence du Roi. Il était alors, comme moi, recherché par les soldats du Roi et avait entreprit de sauver sa famille et de trouver sa mère, qu'il n'avait jamais vu. Pendant qu'il parlait, je remarquai que ses yeux reflétaient une certaine mélancolie. Puis, mon cœur s'affola, ma vision se troubla et une larme se mit à couler de mes yeux.
    - Eh ben dis donc ! s'exclama Pyrus. Je ne savais pas que mon histoire t'émouvrait autant.
       Ils rirent, mais ils ne pouvaient pas voir ce qu'il m'arrivait, ils ne pouvaient pas comprendre. Je ne percevais plus les auras autour de mes compagnons, je ne voyais plus les couleurs vives que me renvoyaient leurs silhouettes. C'était comme si j'étais devenu aveugle.

     


       Après avoir réveillé Spyke et nous être rhabillés, nous retournâmes dans la clairière, où nous trouvâmes les deux jeunes filles chacune dans un coin, le visage rouge de colère.
    - Vous voilà enfin, dit sèchement Shannon.
    Et, en même temps, elles partirent vers le lac. Lorsqu'elles furent hors de portée de nos paroles, nous éclatâmes de rire. Pyrus nous demanda ce qu'elles avaient.
    - C'est rien, lui répondit Shiryu. Shannon déteste les filles et Roxane est jalouse d'elle. C'est comme ça tous les jours.
    - Eh ben ! Il faudrait nous trouver une nouvelle fille !
       Nous ?
       Pyrus s'était bien intégré dans notre groupe. Mais je n'arrivais pas encore à lui faire confiance. Si seulement je pouvais voir son aura ! D'ailleurs, je ne comprenais toujours pas pourquoi je ne voyais plus les fluxs de pouvoirs. Je trouvais ça étrange. Il faudra que je demande à Shannon ce qu'il m'arrivait. Soudain, Shiryu et Pyrus, qui jouaient au dessus du feu, se levèrent et observèrent les alentours.
    - Que se passe-t-il ? leur demandai-je.
    - Nous ne sommes plus seuls.
       Je regardai autour de la clairière. Malheureusement, sans mon pouvoir de vue, je ne pus savoir si il y avait quelqu'un. Mais, j'entendis un étrange bourdonnement venant de la terre. Spyke se réveilla et Mander, gêné par ce tapage, s'envola en direction du Sud. C'est alors que de gigantesques racines sortirent du sol. Elles s'élevèrent à la cime des arbres et retombèrent sur nous dans un vacarme étourdissant. Par chance, nous pûmes toutes les éviter. Puis, un tourbillon de pétales de fleurs se rapprocha de nous et s'arrêta au centre des veines des arbres. Pendant que j'essayais de comprendre ce qu'il se passait, me demandant si ce n'était pas l'intervention d'un Dieu ou d'un Démon, Shiryu semblait reconnaître ce phénomène et affichait une mine grave. Cela devait donc venir du monde des Démons. Soudain, la tempête florale se stoppa net et les pétales restèrent suspendues dans l'air. Puis, elles furent balayées par le vent et laissèrent place à trois personnes : deux hommes et une jeune fille. Tous les trois s'exclamèrent en même temps.
    - Shiryu ?!


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