• Chapitre XXVI

       Plus nous nous enfoncions dans Ynsir, plus les arbres s'épaississaient et le feuillage assombrissait les lieux. De temps à autre, le soleil parvenait à tendre ses minces rayons à travers les branches feuillues de la forêt. Les oiseaux rythmaient nos pas de leurs chants étranges. Filij appelait ça l'Esterio : la musique qu'ils produisaient n'était qu'une illusion. En fait, chacun entendait quelque chose de différents en fonction de son état d'esprit. Comme je le portais sur mon dos, il avait commencé à m'apprendre de nombreuses choses sur ce qui nous entourait. Chaque bruit que nous entendions lui permettait de savoir quel animal grignotait ces champignons, quel arbre remuait ses feuilles, quel oisillon apprenait à voler. Le garçon était fier de m'expliquer tout ce qu'il savait et je l'écoutai avec attention, me rappelant certaines choses et me revoyant chasser des petites bêtes. Il me raconta aussi quelques légendes sur la forêt.
    - On dit que les arbres d'Ynsir seraient en fait les anciens habitants du continent Quapirle. Le Délénien Adalis les aurait changés ainsi à cause de leur vanité et de leur cruauté. Depuis ce jour, on peut entendre les arbres se plaindre. Surtout lorsqu'il y a du vent : ils élèvent la voix pour pouvoir être entendu.
    - C'est une belle légende. Mais dis-moi, Filij, qui est Adalis ?
    - C'est le Dieu des Elfes et des Forêts, répondit Shiryu qui s'était rapproché. Ça faisait longtemps que j'avais pas entendu prononcer le nom de Délénien.
    - Qu'est-ce qu'un Délénien ? demandai-je.
    - Il me semble que c'est comme cela qu'on appelaient les Dieux, jadis, m'apprit-il. Pagri me disait souvent que les Elfes étaient un peuple très ancien.
    - Nos savants racontent que nous étions déjà sur ce continent avant que les Humains n'arrivent.
    - Alors les Humains viennent d'ailleurs...
       J'apprenais tellement de choses intéressantes, que je ne me rendis pas tout de suite compte que nous étions déjà arrivés près du ruisseau. C'est en vérifiant sur la carte elfique que j'aperçus seulement la mince ligne bleue. On entendait l'eau couler, emportant quelques cailloux avec elle, comme pour jouer un air joyeux dans son lit. Des poissons aussi fins qu'un fil serpentaient dans le courant. Cette halte nous permit, en plus de nous reposer, de pouvoir nous rafraîchir. Car malgré toute l'ombre que pouvaient prodiguer les arbres de cette imposante forêt, il y régnait une atmosphère étouffante.
    - Shi mae habite par-là, nous indiqua Filij en pointant son petit doigt vers Arvi (Sud).
    - Et si on en croit cette carte, la cité des Elfes est dans cette direction, annonça Angel en regardant vers Masgi, là où le Soleil se lève.
    - Bien, il va donc falloir nous séparer.
    - Je vous remercie pour m'avoir sauvé. Soyez sûrs que lorsque vous passerez à Eneflia, vous aurez toute mon hospitalité.
    - Je te promets qu'après avoir récupéré l'amie de Linkers, nous viendrons te rendre visite. J'ai hâte d'entendre de nouvelles histoires et de rencontrer tes parents.
       Une fois encore, le métamorphe nous pressa de partir sauver Aziliz. Mais constituer deux équipes n'était pas une tâche simple. Nous étions obligés de garder Pyrus et Shiryu qui pourraient venir facilement à bout des plantes de l'Elfe grâce à leurs flammes; Linkers voulait sauver son amie et j'étais sûr qu'il nous tuerait tous si nous refusions de l'emmener; de même, en tant que bon justicier, Angel souhaitait porter secours à la pauvre enfant; nous avions besoin aussi des talents de guérisseuse de Shannon, en cas de problèmes. Quant à Roxane et moi-même, nous n'apportions rien de plus au groupe. Ainsi, les équipes étaient faites. Cependant, notre prêtre ne voulait pas laisser seule la tavernière avec moi. D'après elle, Roxane en profiterait pour abuser de mon amnésie et de son pouvoir. Bien que je pensasse le contraire, il était inutile de chercher à s'expliquer : les jeunes femmes se battaient déjà. C'est pourquoi je préférai préparer notre départ.
    - Dès que vous aurez récupéré la jeune fille, dis-je en remplissant des gourdes avec l'eau du ruisseau, dépêchez-vous de nous rejoindre chez Filij. Mieux vaut ne pas imaginer qui ou quoi voudrait encore l'enlever.
    - Je ne laisserais personne remettre la main sur elle ! s'exclama Linkers.
    - Je préfère m'assurer que vous êtes en sécurité plutôt que de devoir venir vous cherchez vous aussi. On a déjà bien assez de Spyke à secourir.
    - En plus, on s'est pas mal éloigné de la prison, fit observer le Démon.
    - Et la jeune femme qui était avec lui ne vivra pas longtemps dans un lieu aussi sauvage.
       Angel n'avait pas tort. Nous ne pouvions pas nous permettre de perdre du temps. Pourtant, alors que nous allions nous séparer, un puissant battement d'ailes fit voler les feuilles des arbres. Nous nous mîmes à couvert, une attaque venant du ciel pouvant être dangereuse. Mais la silhouette qui cachait le soleil m'était familière. Un dragon aussi sombre que l'écorce des arbres alentours.
    - Mander ?! Comment nous as-tu retrouvé ?
       Tout en lui parlant, je me dirigeai vers lui pour le caresser. Ce dragon était impressionnant : il avait réussi à nous rejoindre, même à travers cette forêt épaisse, alors que nous l'avions laissé dans notre fuite de Kaderma.
    - C'est un vrai dragon ? me demanda le jeune Elfe.
    Il semblait émerveillé. N'avait-il jamais vu de dragons de sa vie ? J'acquiesçai pour lui confirmer.
    - À Eneflia, on raconte que les dragons sont des créatures majestueuses et extrêmement puissantes.
       Comme pour confirmer ses dires, Mander releva la tête et le buste, dans une attitude altière.
    - Et puis, une fois qu'ils se sont liés d'amitié avec une personne, ils lui sont attachés et loyaux. Mais je croyais qu'ils avaient tous été exterminés lors de la Chasse...
    À sa simple mention, le dragon se cacha sous ses ailes, noires comme la nuit.
       - La Chasse ? s'étonna Roxane. N'était-ce pas un décret du Roi qui ordonnait la vente des plus gros animaux ?
    - Si, répondit le justicier, et ça avait entraîné des conséquences très graves sur la population animalière. Tout le monde, et surtout les plus pauvres, s'est rué sur les bêtes. Les dragons sont ceux qui ont été le plus touchés, vu qu'ils étaient les plus gros animaux du continent.
    - Le Roi Humain est un monstre. C'est pourquoi un délégué de notre cité était venu demander à son conseiller d'arrêter ce massacre et le conseiller a réussi à faire changer l'avis de votre Roi.
    - Avez-vous un Roi vous aussi ? voulus-je savoir.
    - Non! Nous avons des Chefs qui changent tous les trois ans et qui dirigent chacun une partie du gouvernement. Du coup, ils se conseillent, tout en ayant les pleins pouvoirs sur leur partie uniquement. De temps en temps, certains citoyens ont le droit de proposer des idées d'améliorations. C'est comme ça que nous avons pu demander l'arrêt de la Chasse. Mais nous sommes nombreux à n'avoir jamais vu de dragons, c'est un animal sacré chez nous, vous savez ?
    - Je viens d'avoir une idée, annonçai-je avec enthousiasme.
       Mander, vers qui je m'approchai, m'interrogea de ses grands yeux reptiliens.
    - Ce sera Mander qui t'accompagnera jusqu'à Eneflia. Ensuite, il reviendra nous aider. Tu es d'accord, Mander ?
       Le dragon fut étonné de devoir servir de garde du corps, mais en voyant le visage rayonnant du petit elfe, il ne refusa pas. Après tout, on l'envoyait dans un endroit où il serait sacré. Il ne pouvait qu'accepter. C'est donc avec amusement qu'il laissa l'enfant grimper sur son dos, juste entre ses ailes, et qu'il nous quitta de nouveau alors que Filij nous remerciait avec de grands signes.
    - Bien, occupons-nous d'Aziliz maintenant.

     

     

     

       Le sentier avait disparu sous les herbes folles depuis déjà une bonne demi-heure de marche. Se suivant de près pour ne pas se perdre, les compagnons gardaient une allure rapide, guidés par un loup au pelage vert sombre et un criminel qui essayait d'observer une carte d'une avancée technologique impressionnante. Tous leur faisait confiance. Ils savaient qu'avec eux en tête, ils trouveraient rapidement la tanière de l'Elfe Bannie. Bien que l'inconnu et l'aventure l'intriguait, Angel n'avait pas arrêté de réfléchir aux personnes qu'il fréquentait. Après tout, il les avait suivis aveuglément pour aller à la recherche de la jeune demoiselle qui se trouvait dans cette banque, à Kaderma. Mais les autres ne semblaient pas pressés de délivrer leur ami. S'ils savaient quelles tortures les gardiens de la prison Zortoclo étaient capables de faire, ils y seraient allés tout de suite ! Le justicier avait du mal à se contenir. Comment pouvaient-ils laisser seul leur compagnon ? S'ils attendaient trop, il allait mourir !
       Le soleil commençait sa lente trajectoire vers l'horizon. Déjà sous les arbres, il faisait un peu plus sombre. Angel proposa à l'équipe de faire une pause : les deux jeunes filles avaient mal aux jambes et même Linkers s'épuisait. Will observait le trajet qu'ils devaient encore parcourir. Ils n'étaient plus très loin. Shiryu alluma un feu et Shannon fit chauffer du lait. Puis, elle y ajouta une poudre brune.
    - Qu'est-ce que c'est encore ? demanda Roxane. Du poison ?
    - Pourquoi crois-tu que je veuille vous empoisonner ? C'est du chocolat. Ça nous fera du bien à tous.
       Elle en servit donc à tout le monde. Lorsqu'elle tendit la tasse à Will, elle l'observa boire. Angel soupçonna la guérisseuse de vouloir appeler Botukné. En effet, celui-ci prenait possession du criminel chaque fois qu'il buvait autre chose que de l'eau en petites quantités. Cependant, ils avaient beau attendre, le chocolat ne fit pas effet. Ainsi donc, il pouvait boire du chocolat en toute tranquillité.
       Derrière eux, un buisson bougea. Linkers se changea en un gros félin, tandis que les autres se placèrent en position d'attaque.
    - Je ne vous veux aucun mal, vous pouvez-vous détendre.
       Il en sortit un jeune homme dans un costume noir. Il avait des cheveux tellement sombres que sa peau en paraissait blafarde. Il avait aussi des yeux écarlates, cachés sous une longue mèche de la même couleur.
    - Qui es-tu ? l'interrogea Shiryu.
    - Un simple voyageur qui cherche un peu de compagnie.
       Tout le monde rangea ses armes et lui fit une place.
    - Que faites-vous par ici ?
       Le voyageur se réchauffa les mains près du feu. Il regarda Will et sembla le reconnaître.
    - Je suis à la recherche de quelqu'un. Mais de toute évidence, il n'est pas ici.
    - Voudriez-vous que nous vous aidions ?
       Encore une fois, Will proposait son aide, oubliant qu'en plus de sauver Aziliz, il y avait son ami en prison. Mais l'homme ne lui répondit pas. Il semblait s'approcher de plus en plus du feu. Les flammes léchaient presque ses doigts. Pourtant, la chaleur du feu ne lui faisait rien : sa peau restait blanche, ne rougissait pas. Sous le regard étonné des compagnons, il plongea sa main dans le feu. Il ne ressentait aucune souffrance, sa main ne brûla pas et dans sa voix rien n'avait changé. Serait-il, lui aussi, un contrôleur de feu ? Il retira ensuite son bras et une petite flamme se trouvait toujours sur lui, courant et dansant entre ses doigts. L'étranger présenta sa paume, où la flammèche vint se loger, se roulant en boule tel un chaton.
       Mais ce spectacle, bien que fascinant, surprit toute l'équipe. En effet, tandis que la flamme virevoltait sur l'inconnu, la fumée qu'elle produisait montrait des scènes de morts. Les silhouettes étaient facilement reconnaissables : c'étaient les leurs. Dans cette danse majestueuse du feu, ils s'étaient vus mourir. L'homme les regardait avec un sourire cruel. Son visage n'avait plus rien de sympathique. Il envoya des petits projectiles vers le groupe. Des petites billes de feu. Alors que Pyrus et Shiryu n'eurent aucun mal à les attraper, le reste de l'équipe eut du mal à les éviter. Shannon allait encore devoir user de son pouvoir pour soigner ces brûlures. Ne craignant pas le feu, Pyrus et Shiryu attaquèrent leur agresseur, qui fit apparaître une épée et un poignard dont les lames rougeâtres brillaient dans la lumière du camp. Après un échange d'estocs et de contre-coups, l'ennemi envoya les deux défenseurs contre un arbre, qui plia sous le choc. Alors, Angel chargea ses revolvers avec des balles usuelles et tira, mais sa cible esquivait et parait tous les projectiles. Linkers, pendant ce temps, s'était faufilé derrière le voyageur et prit la forme d'un ours pour l'attraper. Incapable de se défaire de la force de l'animal, il reçut de plein fouet la dernière balle d'Angel. La seule qu'il avait chargée de son pouvoir. Une explosion de lumière aveugla l'équipe, tout en éclairant la forêt.
       Will, qui était immunisé contre cette magie lumineuse, remarqua que le métamorphe se cachait les yeux. Il avait donc dû lâcher l'ennemi, ce dernier se dirigeant vers les deux jeunes femmes. L'amnésique s'interposa alors, tentant d'arrêter l'homme grâce à ses épées, mais sa dextérité au combat n'était pas équivalente à celle de son adversaire. Le corps éraflé de partout, le sang tâchant ses vêtements, Will tomba à genoux au sol, tandis que la lumière avait déjà faibli. En le voyant ainsi, Roxane ne put s'empêcher de crier son nom, de la même façon que la fille de son tout premier souvenir. Dans le même temps, la guérisseuse effectua une pirouette magistrale armée d'aiguilles qu'elle lança sur l'homme. Atterrissant juste derrière lui, elle tenta de lui attraper le visage de ses mains empoisonnées. Mais il lui donna un violent coup de coude dans le ventre qui la fit reculer et cracher du sang.
       Roxane sanglotait tandis qu'Angel cherchait d'autres munitions dans ses affaires. L'homme s'approchait lentement de la jeune tavernière. Il avait rangé ses épées et il lui souriait, sans sympathie. Ses yeux luisant avaient pris une teinte sanglante. Plus il avançait, plus elle reculait, jusqu'à ce qu'elle rencontrât un tronc qui l'empêcha de fuir d'avantage. Il attrapa son menton sauvagement et posa la pointe de sa lame sur sa joue. Des larmes creusaient des sillons sur son visage sale. Les paupières serrées, Roxane s'imaginait déjà en train de mourir. Mais elle sentit le poignard se retirer lorsque dans un effort surhumain, Will tira l'inconnu en arrière. Le justicier rayonnant envoya dans le même temps une balle qui vint se loger dans la clavicule de l'assaillant. Reculant en se tenant l'épaule, il ne put retenir un juron et l'on pouvait voir la rage s'enflammer dans ses yeux.
       C'est alors qu'un halo impressionnant apparut devant eux, sous l'effarement de tous les compagnons.

     

    *
    *   *

     

       Alors même que Neoplast venait de les quitter, pour essayer de retrouver son ennemi, les deux évadés atteignirent un village en ruines. Des maisons détruites et des enclos dévastés amplifiaient l'atmosphère sombre des lieux. Des plantes grimpaient sur le panneau central de l'ancien village, dont le nom était écrit sur le haut : Temitos. Mélusine frissonnait. Elle s'imaginait voir apparaître des fantômes et des morts-vivants dans ce cadre lugubre. C'est pourquoi elle restait près de l'homme qui l'avait aidée. Il agissait bizarrement, mais pas autant qu'un monstre. Durant leur fuite, Neoplast n'avait pas arrêté de la prévenir à coup de "Fais attention à toi" et "Cet homme n'est pas normal". Devait-elle s'enfuir maintenant ou attendre encore un peu ? Après tout, ils s'étaient échappés ensemble. S'il avait voulu la tuer, il l'aurait laissée dans leur cellule. Cependant, quelque chose n'allait pas : Spyke arrivait à comprendre son livre de Sage, alors qu'elle-même ne le pouvait pas. Comment était-ce possible, à moins qu'il ne soit un Sage ? En tout cas, il lui cachait quelque chose et elle comptait bien le découvrir.
       Son coéquipier lui proposa de se reposer dans un coin d'une ancienne demeure. Elle partit donc à la recherche de vivres et trouva une épicerie. La porte était toute mitée et s'effondra sous l'effort. Une puanteur sèche s'échappa du magasin délabré. Inutile de chercher ici, tout devait être moisi. Qu'était-il arrivé aux habitants ? Avaient-ils fuit ou étaient-ils... morts ? Peut-être trouveraient-ils des cadavres en fouillant plus la ville ?
       Soudain, elle entendit un grognement. Elle se retourna d'un coup, comme foudroyée, mais il n'y avait rien : ce n'était que son ventre qui réclamait de la nourriture. Pourtant, lorsqu'elle sortit, sans pouvoir fermer la porte qui était en miettes, un homme l'attendait. Ses longs cheveux blancs s'alliaient avec sa robe aussi claire pour renforcer l'éclat de ses yeux bleus. Sa jeunesse ne faisait aucun doute : son visage avait même presque quelque chose de féminin. Il repoussa une unique mèche violette derrière son oreille et parla d'une voix douce comme le vent. Était-ce un saint ? pensa-t-elle.
    - Bonsoir jeune demoiselle. Vous ne devriez pas vous attardez dans ce village vous et votre ami. Un Démon y est le maître.
    - Un... Démon ? frissonna-t-elle.
    - Oui, mais il n'agit que lorsque vous dormirez. Je peux vous aider avant qu'il ne vous arrive quelque chose.
    - Comment ? Que doit-on faire ?
       Mélusine s'affolait. Elle voulait partir le plus vite possible, mais elle n'avait plus de force.
    - Il va falloir que vous me fassiez entièrement confiance, reprit-il d'un ton neutre. En êtes-vous capable ?
    - Oui! répondit-elle d'un coup.
       Elle ne prit même pas le temps de réfléchir à sa proposition. Elle voulait manger et vite. Ce n'était pas ici qu'elle pourrait trouver de la bonne nourriture, surtout si un Démon pouvait les attaquer durant la nuit. Elle demanda alors comment il comptait les aider.
    - Retournez avec votre ami devant le panneau d'affichage, je vous y attendrais pour vous expliquer.
       Mélusine ne perdit pas une seconde, le soleil était déjà au milieu de sa course. Elle traversa la moitié du village et entra en trombe dans la maisonnette qu'ils avaient investie, où elle vit Spyke allongé à même le sol, la regardant de ses yeux écarlates. Elle le releva d'un coup et l'emmena par la manche vers le centre du village.
    - Qu'est-ce que tu fais ?
    - J'ai trouvé un moyen de partir d'ici !
    - Hein? Mais pourquoi ? s'étonna-t-il. On vient juste d'arriver.
       La jeune Sage lui raconta ce que l'homme venait de lui apprendre, tout en continuant son chemin. Spyke n’eut pas le temps de contester son choix qu'ils étaient déjà arrivés. L'homme en blanc les attendait, accompagné d'une silhouette fantomatique. D'une blancheur éclatante, tout comme son maître  car c'était forcément son maître –, il semblait immatériel et nu. Même son visage était... Mélusine hoqueta : il n'avait pas de visage ! Encadré par des cheveux volants dans tous les sens, il était aussi lisse qu'une cuillier.
    - Qui êtes-vous ? s'enquit Spyke.
    - Quelqu'un qui veut vous aider. Mais il faut faire vite.
    - Et... ça ? dit-il en montrant la chose sans visage.
    - Votre porte de sortie. Maintenant, ne perdons pas de temps, il faut que vous les aidiez.
    - Comment ça ? Aider qui ?
       Il se tourna vers sa créature et lui marmonna des directives qu'ils ne purent entendre.
    - Je n'ai plus le temps de vous l'expliquer. Entrez en lui !
       Au même moment, la silhouette fantomatique s'illumina de l'intérieur et prit une couleur argentée. Les deux fuyards étaient tout bonnement ébahis. Mais une certaine frayeur subsistait : qu'allaient-ils se passer s'ils entraient en lui ? Qui allaient-ils rejoindre ? Et surtout... comment entrer en quelqu'un ? Mélusine se posait moins de questions que son coéquipier. Guidée par la faim, elle s'approcha du fantôme lumineux et toucha son torse. Sa main passa au travers comme si ça n'avait été que de l'eau. Elle pénétra alors un peu plus sa peau et disparut à travers lui. Spyke avait voulu la retenir, mais c'était trop tard. Elle avait déjà été happée. L'homme aux cheveux blancs lui demanda une nouvelle fois de se hâter. Mais bien que l'Ellecs soit réticent, il ne pouvait certes pas laisser cette jeune fille seule, où qu'elle fût. Il fit donc un pas dans le corps du spectre et posa l'autre pied dans l'herbe moelleuse d'une forêt, la main sur un arbre. C'était le deuxième fois qu'il utilisait un passage pour se téléporter et il n'était pas prêt de le faire une nouvelle fois. L'estomac retourné, il observa les alentours. Il était en plein cœur d'une forêt d'arbres immenses, Mélusine juste derrière lui, se cachant de quelque chose qui l'effrayait. Devant eux, il y avait un feu de camp. Ça ne pouvait décidément pas être ceci qui l'effrayait. Cependant, il l'aperçut très vite. Sa posture offensive, ses vêtements sombres, ses lames sanglantes, son expression brutale, ses yeux assoiffés de vengeance...
    - Te voilà enfin, Spyke, lui lança-t-il. Je commençais à m'ennuyer !
    - Laisse-les tranquille ! Si c'est moi que tu cherchais, je suis là. Viens m'affronter, Lacks.

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