• Chapitre XXI

       Spyke courait le plus vite possible pour échapper au nuage, Neoplast sur ses épaules et Mélusine tentant de suivre le chemin qu'il lui indiquait. Il avait repéré une traînée d'énergie et cherchait à l'atteindre, même s'il ne savait pas de quoi il s'agissait. Mais chaque fois qu'il avait de l'avance, la masse de poison se rapprochait de lui, essayant de l'envelopper de son gaz et brûlant ses poumons. Ils arrivèrent enfin devant une porte que Mélusine avait ouverte et qu'elle referma dès qu'il entra dans la salle, arrêtant ainsi le nuage empoisonné. L'Ellecs posa son corps au sol et reprit son souffle. Il n'avait pas autant couru depuis qu'il avait dû échapper aux Sages qui l'avaient enfermé.
    - Eh! Vous, là ! Qui êtes-vous ? lança une voix.
       Spyke regarda dans sa direction. C'était un vieillard décrépi. Quelques mèches de cheveux gris pendaient de son crâne, s'éparpillant tout autour de lui. Il semblait anxieux, assis sur le sol et regardant dans tous les recoins sans attarder son regard sur un seul objet de la pièce. Pourtant, égarés un peu partout, des armes et d'autres objets de tortures baignaient dans des mares de sang vieux de plusieurs jours. L'Ellecs réfléchit à ce qu'il pouvait lui répondre. Qu'ils étaient des prisonniers évadés ? Impossible. Ils ne savaient pas qui ce vieil homme était et ce qu'il y avait d'autre dans cette longue salle. Qu'ils travaillaient dans la prison alors ? Il ne semblait pas si naïf.
    - Nous sommes juste de passage. Et vous, qui êtes-vous ? demanda Spyke.
       Le vieillard semblait amusé par sa réponse. Mélusine chuchota que c'était peut-être un autre prisonnier ou encore, le chef de la prison, ou pire un monstre déguisé en vieillard, mais Spyke la fit taire. Cette fille avait vraiment beaucoup d'imagination.
    - Je suis le doyen de la Prison Zortoclo. Je sais tout ce qu'il s'y est passé depuis sa création il y a un millénaire, et d'ailleurs...
       Spyke ne l'écoutait déjà plus. Un millénaire... C'était le temps pendant lequel il avait été scellé, avant que Shiryu ne le libère. Il devait sûrement avoir entendu parler de l'Ellecs. Allait-il dire à la jeune fille la vérité ? Lorsqu'il se rappela qu'il était dans le corps de Neoplast, une idée se forma dans son esprit. Faisant mine d'installer confortablement l'endormi, il rabattit un pan du vêtement de son corps sur son visage. Ainsi, le vieillard ne le reconnaîtrait pas. Il reporta son attention sur celui-ci, en train de raconter qu'il avait dessiné telle pièce avant telle autre.
    - ... Je suis donc en quelque sorte l'architecte qui a élaboré les plans de cette prison.
    - Mais alors, vous savez où se trouve la sortie ? s'enquit Mélusine.
    - Oui.
       Les deux évadés attendirent que le vieil homme leur révèle le chemin, mais il les fixait calmement, comme pour voir comment ils avaient réagi à sa réponse... non formulée. Brisant le silence, Mélusine l'invita à continuer sa phrase, d'un ton pressant.
    - Je ne vous dirais rien. Si je vous indique comment atteindre la porte principale, vous allez partir tout de suite et je me retrouverai de nouveau seul.
      Spyke fit signe à la jeune sage de le rejoindre. Il fallait qu'ils trouvent un moyen de faire parler le vieil homme décrépi. Mais il semblait plutôt têtu.
    - Et si on nettoyait la salle, peut-être que c'est ce qu'il veut en réalité ? proposa Mélusine.
    - Non, je sais ce qu'il veut : à trop avoir été seul, il doit chercher un peu de compagnie. Je comprends ce qu'il ressent car j'ai moi aussi vécu avec la solitude pendant longtemps.
       La jeune fille l'observait avec une expression emplie de compassion. Elle ne chercha même pas à poser de questions. Plutôt que de lui demander comment il s'était retrouvé seul, elle préféra essayer de trouver comment savoir où était la sortie. Spyke regrettait de ne pas être dans son corps pour pouvoir lire les pensées de l'auteur de cette cage immense. Il tenta donc une approche directe.
    - Écoutez, on doit sortir d'ici. Mes compagnons doivent sûrement s'inquiéter de mon absence et je n'ai rien à faire ici. On m'a accusé à tort alors que je cherchais un endroit où dormir. Je sais que vous cherchez juste un peu de compagnie. Je sais ce que vous ressentez. J'ai moi-même été enfermé pendant une longue période. Et je pense que si je me retrouvais de nouveau seul, je deviendrai fou. Alors, je vous en prie, dites-nous comment nous évader.
       Tandis qu'il parlait, son corps l'abandonnait. Ses pieds le portaient toujours et pourtant, il ne sentait plus son poids. Petit à petit, cet état se propageait jusqu'à embrumer son esprit. Il se sentit décoller sous forme d'une masse nuageuse. Il ne comprit qu'il allait retrouver son propre corps que lorsqu'il il se mélangea à un autre nuage, celui-ci étant Neoplast. Pendant quelque instants, leurs esprit fusionnèrent, permettant à chacun d'entendre les pensées de l'autre.
    - Spyke, tu es quelqu'un d'étrange...
    - Tu ne raconte rien de ce que tu as vu, ok ? Tu t'es juste endormi.
       Il ne fallait pas qu'on découvre la vérité. Si jamais ils savaient, qu'allaient penser les autres ? Qu'allait faire Mélusine ?
    - Qui es-tu ?
    Mais avant qu'il ait pu répondre, le contact se brisa et ils reprirent place dans leur corps respectif. Spyke se leva alors, en forme – son corps surtout, car lui n'avait pas dormi –, et observa Neoplast. Assis par terre, il regardait l'Ellecs avec perplexité. Mélusine était soulagée, comprenant que les deux hommes étaient redevenus eux-mêmes. Cependant, le pire était à venir. Maintenant debout et au centre de toutes les attentions, Spyke était pris d'angoisse. Le vieillard l'observait et semblait le reconnaître.
       Je suis dans le pétrin ! J'aurais dû me douter qu'il savait qui j'étais !
       Réagissant en quelques instants, il prit le monopole de la conversation.
    - Ah! j'ai bien dormi ! Qu'est-ce que j'ai manqué ? Oh! bonjour Monsieur. Tiens, on se serait pas déjà croisé quelque part ?
    - Oui... répondît-il avec perplexité. Vous me rappelez quelqu'un...
    - Oui, on me dit souvent ça !
       Il fallait répondre vite, pour ne pas faire croire qu'il pouvait le reconnaître. Mais, pourquoi Spyke cachait-il sa véritable nature ? Il ne le savait pas lui-même. Il ne pouvait tout simplement pas le dire. En outre, il portait encore un sceau sur lui et celui-là était encore plus dur à retirer. Neoplast le fixait. Il avait compris que l'Ellecs dissimulait quelque chose et il devait sûrement savoir quoi. S'il divulguait ce qu'il avait vu, Spyke était fichu.
       Soudain, une armée entra dans la pièce dans un vacarme épouvantable. Ils étaient accompagnés des créatures aveugles et des sphères empoisonnées. Même à trois, c'était impossible de résister, surtout avec ce vieillard à protéger. Les trois évadés se préparèrent tout de même au combat.
    - Comment avez-vous réussi à sortir de vos cellules ? Vous allez tous mourir ! cria l'un des gardes.
    Alors tous en même temps, leurs assaillants se rapprochèrent d'eux pour les encercler. Tandis que Spyke jaugeait la situation, le vieil architecte s'approcha du mur derrière lui et posa sa main contre les pierres grises. En quelques secondes, le mur se désintégra, ouvrant un passage sur l'extérieur. Un vent violent s'engouffra dans la prison, projetant les armes du sol sur les gardes et monstres.
    - Fuyez ! leur ordonna le vieillard. Le mur se reformera juste après votre passage !
    - Et vous ? s'enquit Mélusine.
      Il lui répondit par une expression sévère. Apparemment, même après milles ans, les personnes âgées étaient toujours pareils. À la vitesse de la foudre, Neoplast menait le petit groupe, formant un passage dans la tempête à l'aide d'un bouclier électrique. La jeune Sage le suivait de près et l'Ellecs fermait la course. Alors qu'il passait devant le vieil homme, il l'entendit marmonner. Mais lorsqu'il se retourna, les pierres avaient repris leur position initiale. Qu'avait-il voulu leur dire ? De plus, comment un vieillard de plus de milles pouvait-il encore être en vie ? C'était ce qui venait d'étonner Spyke : qui pouvait-il être et comment se faisait-il qu'il ne soit pas mort ? Dommage qu'il n'ait pas le temps de retourner dans la prison, sinon il serait allé retrouver cet architecte et l'aurait questionné jusqu'à ce qu'il expire. Cependant le plus important pour l'instant était de retrouver Shiryu et les autres. Il avait, après tout, toujours une dette envers-lui.

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