• Chapitre XVI

       Au petit matin, après avoir réveillé difficilement Spyke et attendu que les filles se préparent, nous prîmes un copieux petit déjeuner et partîmes préparer nos chevaux pour le voyage. Je remarquai que Roxane portait le pendentif que je lui avais offert. Elle me regarda et répondit à mon sourire. On nous emmena dans l'arrière-cour de l'auberge par un couloir étroit. L'écurie était spacieuse avec de grands boxes pour les chevaux et du foin en quantité plus qu'importante. Le gérant nous conduisit à nos montures et réclama l'argent que nous devions payer. Nous regardâmes Spyke, qui s'était endormi avant d'avoir scellé l'animal.
       Spyke, tu m'énerves !
       Je dus donc payer à sa place. Il ne me restait maintenant plus que la moitié de la bourse que m'avait donné l'inconnue. Je ne savais pas qui était cette fille, mais elle m'aidait grandement : d'abord avec les sabres, puis avec cette bourse pleine de tyvs. J'espérais pouvoir la remercier un jour. Ainsi que découvrir qui elle était et pourquoi elle m'aidait, alors que j'étais un criminel.
      Après avoir réglé la dette de Spyke, nous partîmes vers la route du Nord, où nous rejoignit Mander, content de nous revoir. Nous le suivîmes pendant de bonnes heures et ralentîmes en vue d'une grande ville : Kaderma. Nous pouvions déjà voir les maisons, hautes de deux ou trois étages, les casinos lumineux et la foule de joueurs pleins aux as venus se renflouer, ou tout perdre.
    - Spyke, appela Shannon, réveille-toi ! Nous sommes arrivés.
       L'Ellecs se réveilla, remué de tous les sens. De la poussière lui foutait le visage et lui faisait sentir une odeur de terre sèche. Alors, tout le monde rigola et il comprit la cause de notre hilarité. Il était tombé de son cheval, mais son pied s'était pris dans ses rennes. Spyke était donc traîné par terre par sa monture. Je l'arrêtai en souriant et aidai Spyke à se relever.
    - Ça t'apprendra à dormir n'importe quand.
    - Il était temps qu'on arrive, répondit-il, car le voyage m'a épuisé.
    - Mais tu viens de te réveiller, dit Roxane.
    - Je sais, mais c'est tellement fatiguant.
    - Allons les amis, nous devrions manger un bout. Le voyage a été long... et épuisant.
       Pyrus avait dit ça en regardant Spyke. Nous nous arrêtâmes juste avant l'entrée de la ville et le chapelier sortit de sa coiffe les vivres que nous avions préparés la veille. Après ce petit repas, nous passâmes sous l'arche dorée faisant office de porte de la ville. Elle représentait deux hautes piles de pièces soutenant une sorte de roue en or. Shiryu en fut émerveillé, mais Roxane la fixa étrangement, comme si elle doutait de sa stabilité. Ce n'était pourtant qu'une sculpture. Dans la rue principale, toutes les catégories de personnes se mêlaient. Des hommes les plus importants du royaume aux perdants de la veille, et même des paysans trop chanceux, on y voyait de tout. Il était donc facile pour nous de nous cacher parmi la foule. Nous déposâmes nos chevaux dans une écurie et partîmes nous mélanger à la population. Shiryu était heureux d'être ici. Il regardait partout, observait chaque bâtisse avec le plus grand soin et souriait quand il trouvait quelque chose d'intéressant. Pyrus admirait plus particulièrement un immense casino aux couleurs éclatantes. Il le montra à Shiryu qui acquiesça.
    - Je suis d'accord, ce casino à l'air parfait pour infiltrer de la malchance et plumer le propriétaire.
       Les deux jeunes hommes rirent. Shannon était trop occupée à surveiller ses futurs cibles : trois beaux jeunes hommes qui sortaient d'un autre casino. Ils avaient apparemment gagné une petite somme et se dirigeaient vers le gros casino. Spyke, lui, nous annonça qu'il partait en quête d'un endroit pour dormir. Nous le laissâmes s'en aller. Je commençai à suivre le Démon lorsque j'entendis un petit garçon crier. Je cherchai du regard l'origine de ce cri et vit des hommes en costume autour d'un gamin. Ni une, ni deux, je courus dans leur direction, suivit de Roxane. Mais, dans l'idée d'aider le jeune garçon, je fus devancé par un autre homme en costume. Il avait une aura dorée. Il était devant l'enfant et pointait deux gros pistolets sur ses assaillants.
       Soudain, il rayonna d'une lumière aussi puissante que le soleil. Tous furent aveuglés, mais mon chapeau me protégea du halo lumineux. Je vis alors l'homme assommer ses ennemis, ranger ses armes, prendre l'enfant sur son épaule et s'enfuir. Je pris la main de Roxane et suivis ce sauveur rayonnant. Ils arrivèrent dans un quartier plutôt sale de la ville. Les rues n'étaient pas propres, tout comme leurs passants. L'inconnu en costume sombre s'arrêta près d'une maison en mauvais état et frappa à la porte. Roxane voulut me dire quelque chose mais je posai mon index sur ses lèvres fines. Une dame portant robe et tablier mités ouvrit. Elle avait les yeux rougis par les larmes qu'elle avait dû verser un peu plus tôt. Lorsqu'elle vit le petit garçon, son visage rayonna et elle le prit dans ses bras. Elle remercia l'homme et l'invita à entrer. Mais celui-ci refusa son hospitalité et s'en alla vers une ruelle encore plus sombre. Je voulus suivre le justicier au chapeau noir, mais Roxane me retint.
    - Will, que faites-vous ?
    - Roxane, lâchez-moi je vous prie et suivons cet homme.
    - Pourquoi ? Est-ce qu'il vous rappelle quelque chose ?
       Je ne m'étais même pas posé la question. Au fond de moi, je sentais que je devais le suivre. Je répondis négativement à la jeune fille et pris la direction que l'inconnu avait prise. À peine m'étais-je engouffré dans l'étroit passage que je revis l'aura dorée. Apparemment, il m'attendait.
    - Qui êtes-vous et pourquoi me suivez-vous ? me demanda-t-il.
       Son chapeau portait un ruban de couleur jaune et son long manteau noir en comportait aussi. À ma grande surprise, il était jeune et avait une peau plus mâte que Shannon.
    - Je m'appelle Will. Je vous ai suivi pour savoir qui vous étiez.
    - Je suis Angel, répondit-il.
    - Pourquoi avez-vous sauvé ce petit garçon ?
       Il me regarda d'un air suspicieux. Il semblait agacé par mes questions.
    - Parce qu'il allait se faire tuer. Ces gars-là, il faut s'en méfier ! Vous ne faites pas parti de leur organisation, j'espère ?
       Je secouai la tête. Angel se détendit.
    - Tant mieux. À un moment, j'ai bien cru que vous étiez venu les venger ! Alors je vais mieux me présenter...
       Il prit une grande inspiration.
    - ... Je suis le grand sauveur de cette ville que la loi n'atteint pas. Je défends les plus démunis des hommes riches de Kaderma. Avec moi, les Kadermains sont protégés et peuvent dormir en paix !
       Il disait cela en mimant et en parlant fort, puis prit une pose comme les rois sur des statues, pointant un ennemi invisible de son épée imaginaire.
    - Je suis le justicier rayonnant : Angel !
       Je me demandais sur quel genre de personne je venais de tomber, puis Roxane arriva.
    - Will ! Vous pourriez m'attendre !
       Elle n'était pas contente que je lui ai fait faux bond.
    - Pardon. Roxane, je vous présente Angel, le justicier rayonnant, dis-je avec amusement.
    - Enchantée, je suis Roxane de Slomey, se présenta-t-elle.
    - Bonjour... Je suis... Angel.
       Je m'attendais à ce qu'il lui fasse son grand discours, mais "le grand sauveur" était devenu tout rouge. Enfin... sa peau mâte avait un peu rosie.
       Est-il malade ?
       C'était étrange, il n'osait même pas la regarder dans les yeux et détournait la tête chaque fois qu'il croisait son regard.
    - Au fait, que s'est-il passé dans la rue, tout à l'heure ?
       Il leva doucement la tête vers moi et me demanda plus de précision.
    - Lorsque vous avez "rayonné".
       Il sourit et répondit par un "oh ça !" qui en disait beaucoup. Son corps s'illumina peu à peu jusqu'à ce que nous ne puissions plus le voir puis reprit sa luminosité habituelle.
    - C'est un pouvoir que j'ai depuis l'enfance.
       Mais ce n'était pas son pouvoir qui m'intriguait, mais plutôt le fait qu'il n'ait pas d'ombre. En effet, alors que sa lumière avait éclairé toute la ruelle, j'avais aperçu qu'aucune forme sombre n'était apparue sous lui. Et c'était toujours le cas – même si la ruelle était très sombre – à la lumière du soleil. Mais je n'eus pas la possibilité de lui en demander la cause : une explosion se fit entendre à l'autre bout de la ville.




       Spyke cherchait un endroit calme pour dormir. Depuis qu'il avait été libéré, il passait ses journées à courir dans tous les sens. Tout ça pour une dette envers un Démon ! N'aurait-il pas pu être descellé par un jeune homme poursuivi par des monstres ? Ça aurait été beaucoup plus facile de lui sauver la vie. Alors qu'un Démon comme Shiryu, c'était rarement en danger.
       Il errait donc dans la grande rue à la recherche d'une auberge pour se reposer en paix. Il vit un bâtiment avec une charmante terrasse, mais lorsqu'il s'en approcha, un couple sortie en hurlant que les matelas étaient trop durs. L'Ellecs opta alors pour une grande auberge un peu plus loin. Il voulut entrer mais une odeur nauséabonde s'échappait des fenêtres. On pouvait entendre le patron crier sur ses cuisiniers qu'ils allaient faire fuir les clients avec leurs expériences idiotes. Et il avait raison : Spyke changea de côté. Il commençait à désespérer de trouver LA bonne auberge. Quand soudain, de loin, il vit une petite bâtisse blanchâtre. Comme il s'approchait, il put voir que presque personne n'entrait et qu'aucun bruit n'en sortait. Il entra donc fièrement dans l'auberge.
       L'entrée était très grande. En face, il y avait un grand contoir et derrière celui-ci, des sortes de grandes chambres qu'on pouvait fermer seulement de l'extérieur. Idéal pour dormir, il suffirait juste de demander à être réveiller à une certaine heure. Le long des murs, il y avait des banquettes entourées par des plantes exotiques. Sur l'une des banquettes, une jeune fille semblait en proie à une grande réflexion. Spyke pouvait presque l'entendre, mais il ne s'en soucia pas. Il voulait dormir et au plus vite. Derrière le long contoir lustré, un vieil homme observait Spyke. Une lumière apparut dans ses yeux.
    - Bonjour Monsieur, dit-il, que puis-je faire pour vous ?
    - Vos chambres ont l'air bien isolées des bruits, n'est-ce pas ?
       L'homme semblait confus par la question.
    - En effet. On pourrait même y dormir sans être déranger.
    - Exactement ce qu'il me fallait, dit Spyke en souriant.
       Le gérant, lui, était encore plus déboussolé. Peut-être qu'il n'avait pas souvent des clients. L'Ellecs allait demander une chambre lorsqu'un individu portant lunettes et bandeau noirs fit une entrée fracassante. La jeune fille en sursauta.
    - Moi, Abdol, je viens cambrioler vot'banque ! Envoyez-moi tout l'or ou j'fais exploser la banque !
       Spyke ne comprenait pas pourquoi il appelait l'auberge une "banque" et, à vrai dire, il ne savait pas ce que c'était.
    - Voyons, de quoi parler vous ? s'interposa Spyke. Nous sommes dans une auberge !
       L'homme rit.
    - Une auberge ?! Mais qu'est-ce que tu racontes l'hérisson ? C'est une banque que j'cambriole ! Profites-en pour m'balancer ta monnaie ! Toi aussi ma douce !
       Il s'adressait à la jeune fille. Le Cotorl brandit son épée.
    - Je ne suis pas un hérisson !
    - Et moi, je ne suis pas "ta douce" !
       La jeune fille aux cheveux roux pointait une faux écarlate sur l'inconnu. Celui-ci, pour se défendre, sortit de ses poches des cailloux qu'il transforma en explosifs.
    - Je vais tout faire exploser !!!
       Il lança ses bombes un peu partout dans la salle qui explosèrent dans un grondement terrible, créant un énorme nuage de poussières et détruisant des banquettes, des plantes et des murs.

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