• "Un jour, mon regard a croisé un miroir. Depuis ce jour, je suis amoureux."
    Jeik Turner.

     

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  •    Non, arrête ! Ne fais pas ça ! Ne me tue pas ! Wiiiiiiiill !!!
       Je me réveillai en sursaut. Quel rêve étrange.... Je n'avais vu aucune image, juste des sons. Mais il était question d'une jeune femme qui s'était faite tuer. Que disait-elle déjà ? Ah oui, elle criait Will. Ça me disait quelque chose... Mais, c'était mon nom !
       C'était la seule chose dont je me souvenais. Je ne me rappelai rien, comme si je venais de naître et que ma mémoire commençait à se former.
       J'étais amnésique.

     

     

       Où étais-je ? Il n'y avait qu'une fenêtre couverte d'un drap mité et sale, m'empêchant d'apercevoir les rayons du soleil levant. Les murs étaient faits dans un bois si sombre que la lumière du jour ne parvenait pas à illuminer la pièce. Le lit avait la couleur des murs et les draps normalement blancs commençaient à foncer. À mes pieds se trouvaient deux vieux sabres dans leurs fourreaux. Il y avait un bureau juste sous la fenêtre où s'entassaient des livres et toutes sortes de documents anciens. Dans un coin de la pièce se trouvait un miroir où j'allai m'observer. De mes cheveux violets m'arrivant jusqu'aux épaules pendait une unique mèche blanche et mes yeux étaient d'un bleu ciel qui vous transperçait à chaque regard. Je n'étais pas si moche que ça, même si cette couleur me paraissait très peu naturelle.
       Après avoir feuilleter quelques pages des livres pour essayer d'en apprendre plus sur moi, je me rendis compte que j'avais faim. Il me fallait trouver de quoi manger, mais je ne savais même plus ce qui était comestible ou non. Je me levai, m'habillai d'une chemise en lin noir ainsi que d'un bas de la même couleur, puis sortis dehors.
       La lumière du soleil me fit mal aux yeux. Près de la petite cabane se trouvait une route. Je décidai de l'emprunter. Voyons où elle allait m'amener.
       Après quelques minutes de marche où je ne rencontrais personne, j'arrivai dans un petit village très bruyant. En effet, un spectacle était donné dans une des tavernes alentours. Je m'approchai en pensant que quelqu'un me reconnaîtrait, mais, alors que je venais d'entrer, tout le monde se tut et me fixa. Des troubadours aux hommes qui buvaient déjà depuis longtemps, pas un seul ne bougeait. La taverne était assez grande. Les murs étaient d'un bois clair et on pouvait voir les poutres au plafond ce qui offrait un environnement rustique. Un homme un peu grassouillet me dit :
    - Va-t'en Will ! On ne veut pas de criminels dans notre village !
       Alors voilà ce que j'étais : un criminel.
    - Je suis désolé de vous déranger, dis-je comme si je ne l'avais pas entendu, mais je cherche quelque chose à manger.
       Les villageois me regardaient, étonnés de voir un homme recherché par les gardes du roi leur parler ainsi. Mais l'homme enrobé reprit.
    - Tu n'as rien à faire ici. Fuis avant que nous...
    - Silence !
       C'était une charmante jeune femme qui venait de parler. Elle devait être la gérante de cette taverne car elle se tenait derrière le contoir aux couleurs abîmées par les verres renversés dessus. Elle avait l'air très jeune. Ses cheveux bruns offraient des reflets châtains et ses yeux noisettes avaient quelque chose d'hypnotisant.
    - Calmez-vous, Olaf ! Cet individu a visiblement changé. Il ne veut peut-être pas nous faire de mal. Il ne cherche que de quoi manger. Comment voulez-vous que Slomey devienne un village hospitalier, si vous rejetez tous ceux qui sont en détresse ?
       Je la regardai pour essayer de la remercier, mais elle fixait le dénommé Olaf qui se calma aussitôt. Puis elle tourna son regard pénétrant vers moi.
    - Que puis-je faire pour vous ? me demanda-t-elle avec un immense sourire.
    - Euh... Je voudrais... Hum... Vous avez quoi ?
       Voyant que je ne me mettais pas à les attaquer, les habitants de Slomey retournèrent à leurs occupations. La jeune femme me tendit une assiette où il y avait une sorte de pierre noire et très peu molle. Elle me précisa qu'on appelait ça de la viande. Je goûtai à cette étrange nourriture et dus aussitôt recracher le morceau car il avait un mauvais goût. On aurait dit que j'avais mangé un morceau de charbon. Comment disait-on déjà ?
    - La viande est grillée, n'est-ce pas ? me demanda-t-elle comme si elle avait lu dans mes pensées.
    - Hum... Oui je crois.
       Je la vis serrer les dents. Elle ne devait pas aimer qu'on dise du mal de sa nourriture.
    - Je pense qu'il aurait fallu la faire moins cuire et, si possible, rajouter quelques herbes aromatiques pour lui donner du goût.
       Qu'avais-je raconté ? Peut-être était-ce un souvenir de mon passé ? Alors, j'ai su cuisiner ?
    - Rajouter des herbes ? me répondit-elle. Montrez-moi car je ne vois pas comment des herbes peuvent donner du goût à une viande !
       
    Tout le monde nous regardait et on pouvait très bien voir l'air de défi qu'elle prenait. Je passai donc dans la cuisine. Elle était plus petite que la salle principale mais plus chaleureuse. Un grand fourneau se trouvait dans le coin gauche, surmonté d'une plaque de pierre polie pour faire cuire les viandes. Au centre siégeait une table en bois de hêtre et contre les murs, les provisions. Il n'y avait que du matériel de base mais étant amnésique, je préférai faire avec. Je me mis donc à la tâche.

     

     

       J'utilisai plutôt mon instinct que mon savoir. Au bout de trois tours de sablier environ, l'assiette fut préparée et servie à ma douce hôtesse. Elle commença par l'examiner puis elle le goûta et fondit en larmes. Je ne comprenais pas pourquoi. Etait-ce si peu ragoûtant ?
    - Pourquoi pleurez-vous ainsi ?
       Puis je remarquai qu'elle souriait.
    - Je n'ai jamais manger un plat aussi bon !
       Je fus très flatté.
    - Will, oubliez vos crimes et travaillez pour moi en tant que cuisinier ! m'ordonna-t-elle.
       Une étincelle dans son regard me fit accepter. Je ne saurai pas dire pourquoi mais au moins, je ferai plaisir aux gens du village. Ils me verront autrement que comme un hors-la-loi. C'est ainsi que je me suis souvenu de mes recettes souvent étranges mais délicieuses. Ma préférée était "Les Champignons à la Menthe". Personne ne la choisissait. Pourtant, il n'y avait qu'une poignée de champignons, deux ou trois feuilles de menthe, une louche de crème et quelques fraises juteuses, pour donner un goût sucré. J'adorais ce plat avant, apparemment, car c'est le seul dont je me rappelai la saveur avant de l'avoir goûté.
       Au moment où je sortais de la taverne, à la fin de mon service, ma jeune et charmante patronne m'interpela.
    - Au fait, je connais votre nom mais vous ne connaissez pas le mien, dit-elle en souriant. Je m'appelle Roxane. À demain !
       Et elle me laissa repartir. Je repensais à son regard fabuleux en m'allongeant dans mon lit, puis sombrai dans les ténèbres de mes pensées. Son visage apparu. Roxane au regard hypnotique.


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  •    Il était très tôt mais pour une fois, Roxane avait hâte de travailler. Enfin, plutôt de voir Will. Elle savait que c'était un criminel, mais elle le trouvait très séduisant. Ses yeux bleus donnaient l'impression de lire en vous. Elle trouvait ses cheveux magnifiques et son petit nez avait quelque chose d'enfantin et d'innocent. Elle commençait à s'habiller quand elle entendit quelqu'un frapper à la porte.
    - Mademoiselle Roxane !
       C'était lui. Le charmant criminel. Le coupable de nombreux meurtres qui n'avait montré que de la gentillesse la veille.
    - Pouvez-vous m'ouvrir s'il-vous-plaît ?
    - Oui j'arrive tout de suite, répondit-elle.
       Elle enfila sa robe rouge, mit ses bottes et ses gants de la même couleur, puis descendit ouvrir à Will. La première chose qu'elle vit en ouvrant, étaient ses yeux qui brillaient d'une lueur étrange, mais si belle ! Il portait les mêmes habits que la veille et tenait dans ses mains un carnet et un crayon. Il lui expliqua qu'il était amnésique et que ce carnet lui permettrait d'écrire ce qu'il apprenait sur lui ou ce qu'il se souvenait de sa vie précédente.
       La journée se passa sans encombre. Il y eut peu de clients. La présence de Will, qui plus est derrière les fourneaux, terrifiait les villageois. Soudain, alors que le soleil laissait place à de gros nuages gris, un orage éclata et deux étrangers à capuche entrèrent.

     

     

    Cela faisait trois jours que Spyke et Shiryu marchaient et ils trouvèrent enfin un village. Ils avaient dû fuir en vitesse le précédent car Shiryu n'avait pas réussi à contrôler ses pulsions meurtrières. Spyke avait encore du mal à lui faire confiance, mais il avait une dette envers lui. En effet, Shiryu avait libéré Spyke de sa prison scellée. Mais il avait tendance à sombrer dans l'alcool et la débauche. Spyke n'appréciait guère ce comportement mais qu'importait, il réussirait à se défaire de ce démon plus tard.
       Les nuages les menaçaient de déchaîner leurs foudres sur eux. Ils se pressèrent donc d'entrer dans une auberge. Celle-ci était d'apparence rustique. Une délicieuse odeur de viande et de pommes de terre arriva aux narines de Spyke. Ils s'installèrent à la table que leur proposait la gérante, une charmante jeune femme mais gardèrent leur capuche. Ils commencèrent à discuter.
    - Dans combien de temps arriverons-nous à Kaderma ? demanda Spyke.
    - Il nous reste une lune de marche, lança Shiryu pendant qu'il observait la gérante.
    - Pourquoi tiens-tu tant à aller là-bas ?
    - Attends, tu vas pas me dire que tu connais pas Kaderma ?
    Spyke parut déboussolé.
    - Eh bien, reprit Shiryu, tu as passé trop longtemps dans ta cellule ! Kaderma est la ville des jeux et de l'argent. Cela me permettra de me faire une fortune ! On dit aussi que la malchance y règne. Je vais en rajouter un peu.
       Et il se mit à rire. Spyke pensait déjà à autre chose. Son esprit se dirigeait vers son arrestation. Il lui semblait que c'était arrivé l'été dernier. Il se souvenait de la magie qui planait dans l'air. Cette magie s'était solidifiée autour de lui. Il ne pouvait plus bouger. Puis, une violente lumière l'avait ébloui et sept sages étaient apparus. Tous portaient une tunique blanche et brandissaient un bâton en bois.
    - Spyke, pour tous les crimes que tu as commis et la puissance que tu as accumulée, tu deviendras un Ellecs, tes pouvoirs te seront retirés, tu seras scellé dans cette pierre et tu erreras dans l'oubli.
       Puis tous ensemble :
    - Tnemellecs snad al erreip
    Ecnarre snad l'ilbuo !
    - Noooooooooooon !!! cria Spyke.
       Et ce fut le néant. Il erra pendant ce qui lui parut une année -- mais qui dura en réalité mille ans.

     

     

       Roxane apportait leurs assiettes aux deux étrangers et en profita pour les étudier.
       L'un, avait gardé sa capuche, ce qui lui cachait le visage. Il semblait cacher quelque chose dans son dos, sous sa cape. Ses doigts étaient pourvus de griffes argentées qu'il utilisait pour piquer ses aliments.
       L'autre portait le poids des ans dans ses yeux. Sur son crâne s'hérissaient des centaines de pointes rouges ou noires. Quel étrange coiffure, pensa-t-elle. Il était vêtu d'un ensemble noir et d'une longue écharpe sombre. Dans son dos, il y avait une immense épée noire.
       Roxane, à son habitude, fixa celui-ci des yeux pour qu'il aime le plat mais un étrange évènement se passa. Le temps s'arrêta. Elle pouvait toujours bouger mais tout autour d'elle les clients se figèrent. À l'exception du hérisson rouge et noir. Il se regardèrent, puis il marmonna, comme pour lui même :
    - Étrange... Et instructif !
    - Que se passe-t-il ? lui demanda-t-elle.
    - Vous ne le savez pas ?
    - Que devrais-je savoir ?
    - Lorsque un Cotorl use de son pouvoir sur un autre Cotorl, le temps s'arrête et annule leurs pouvoirs.
       Elle le regarda, stupéfaite.
    - J'avais remarqué, reprit-l'étranger, que je ne pouvais pas lire les pensées des gens d'ici. J'en ai donc déduit qu'un Cotorl se trouvait dans les environs.
    - Pardon, mais qu'est-ce qu'un Cotorl ? questionna Roxane.
    - Quoi ?! Vous ne savez même pas ce que vous êtes ? s'exclama-t-il.
    - Je suis une Cotorl ?! s'étonna la jeune fille.
    - Évidemment ! Un Cotorl peut interagir avec les pensées des autres. Il y a différents pouvoirs, comme le mien qui me permet de lire dans les pensées des personnes, ou encore le votre qui... D'ailleurs, que pouvez-vous faire ?
       La jeune gérante se posait la même question.
    - Je... je ne... bredouilla-t-elle. Je ne sais pas...
    - Très bien. Essayez de vous remémorer les fois où vous vous êtes servie de votre don. Vous auriez dû ressentir une douce chaleur envahir votre corps.
       Roxane revint sur un évènement récent. Elle avait réussi à faire taire Olaf, le jour de l'arrivée de Will, en le regardant dans les yeux. Elle avait senti ses joues devenir toutes rouges et elle avait eu un vertige. Puis, en réfléchissant bien, il y avait tous ces voyageurs qui n'aimaient pas ses plats et à qui elle avait fait changer d'avis.
    - Donc vous pratiquez l'Hypnose, qui permet de contrôler les pensées des autres grâce à vos yeux. Quel pouvoir remarquable !
    - J'ai une dernière question : combien dure cette pause dans le temps ?
    - Exactement cinq minutes, maintenant !
       Et le temps reprit son cours normal.

     

     

       J'avais presque fini mon service. Je n'avais pas rempli mon carnet mais j'en avais profité pour y noter des recettes que m'avaient données des voyageurs de pays lointains. Puis, tout d'un coup, Roxane rentra en trombe dans la cuisine. Elle avait le visage en sueur et était affolée. Elle me raconta ce qu'il venait de se passer en me précisant que les étrangers étaient très bien armés.
    - Je suis sûr qu'ils ne vous feront rien !
    - C'est ce que vous dites ! Ils ont l'air louches ! Si ça se trouve, ils viennent vous tuer !
       Cette option ne m'était pas venue à l'esprit. J'avais imaginé que des gardes seraient venus me chercher mais pas d'autres personnes. Tout d'un coup, je me sentais moins sûr de moi. Roxane avait raison, il fallait que je me méfie de tout le monde.
    - Ce sont peut-être des chasseurs de primes. Votre tête est quand même mise à prix pour 250 000 tyvs, mort ou vif !
    - Mise à prix ? demandai-je.
    - Cela signifie que vous êtes recherché et que si quelqu'un vous trouve, il peut gagner une récompense. Pour vous, ce serait 250 000 tyvs, notre monnaie. J'imagine que beaucoup de chasseurs de primes sont à vos trousses ! Avec une telle somme, on pourrait s'offrir un vaste château.
       Je compris que les chasseurs de primes voulaient ma peau. Mais qu'avais-je fait pour être autant recherché ?
       Sûrement quelque chose de très grave ! Mais quoi ?
    - Au fait, pour en revenir sur votre pouvoir, l'avez-vous essayé sur moi ?
    - Non, je ne crois pas, me répondit-elle. Vous voulez que je le fasse, pour essayer de vous faire souvenir de votre vie passée ?
       C'était une idée qui ne me déplaisait pas. Mais au fond de moi, un pressentiment me fit refuser. J'aurais dû essayer, mais je ne voulais pas me souvenir trop vite de cette vie de criminel, de perdre Roxane voire pire, de la tuer ! Non, je trouverais un autre moyen.
    - Je vais aller voir ces personnes et leur demander de partir, si cela vous gêne.
    - Merci, Will ! Merci beaucoup !
       Mais lorsque j'arrivai dans la grande salle, une voix inconnue m'appela :
    - Eh ! Will ! Comment ça va ?


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  • - Eh ! Will ! Comment ça va ?
       Je remarquai un étrange type dans une cape grise qui me faisait signe de la main de venir. Je m'approchai alors de sa table. Il était en compagnie d'un autre homme avec une large épée dans son dos.
    - Vous me connaissez ? demandai-je un peu sur la défensive.
    - Bien sûr que je te connais ? Tu m'as oublié ?
       Je le dévisageais, essayant de me souvenir de cet être étrange. Il s'était levé et on voyait mieux ses vêtements, ou plutôt ce qui lui servait de vêtements. Il était torse nu et portait une écharpe rouge sang. Au bout de ses mains, des griffes métalliques faisaient office de doigts. Les jambes de son pantalon noir étaient différentes : l'une lui arrivait au-dessus du genou, tandis que l'autre était normale. De simples chaussures blanches rayées noires contrastaient avec ses habits sombres.
       Il avait d'impressionnants yeux rouges et je remarquai qu'il cachait quelque chose d'énorme sous sa cape, dans son dos. Il portait encore sa capuche ce qui m'empêchait de voir ses cheveux.
       Soudain, mon esprit s'illumina tellement que je m'évanouis. Dans mon rêve, j'entendis une voix ressemblant à celle de l'étranger.
    Will, tue-la ! Vite ! disait-il.
       Puis j'ouvris les yeux. Roxane m'avait vu tomber et était tout de suite venue voir ce qu'il se passait.
    - Que lui avez-vous fait ? cria-t-elle en regardant tour à tour l'homme debout, puis son coéquipier assis.
    - Ce n'est rien Roxane, dis-je en me relevant. Je crois vous connaître, adressai-je à l'étranger à moitié nu, malheureusement je ne m'en souviens pas...
       Il parut étonné. Roxane prit alors la parole.
    - Je suis sûr que c'est lui qui vous a effacé votre mémoire, pour pouvoir vous chasser sans que vous le reconnaissiez.
    - Pourquoi le chasserai-je ? Je suis moi-même recherché ! dit l'encapuchonné.
    - Ça ne vous empêche pas de lui retirer sa mémoire !
    - Roxane, commençai-je, je ne pense pas que ce soit lui qui m'ait retiré mes souvenirs. Lorsque je me suis évanoui, j'ai eu un souvenir de sons. J'ai entendu cet homme me dire... hum... de tuer une personne...
    - Ah ! dit-il. Je me rappelle très bien de cette charmante jeune fille. Elle avait d'excellentes formes !
       Il eut un rire sadique.
    - Elle n'arrêtait pas de nous supplier de l'épargner, reprit-il, mais Will l'a tuée et a dessiné un signe étrange au niveau de son cœur. Puis je l'ai ouverte, j'ai arraché son cœur ainsi que ses organes et je les ai mangés ! Le sang giclait de partout.
       Il se remit à rire de la même façon mais plus fort. Roxane avait envie de vomir. J'essayai de me souvenir de ce moment. Sans succès.
    - Quel était ce signe ? demandai-je.
       L'étranger dessina sur la table-même où il venait de manger à l'aide de ses griffes. C'était un losange contenant un W et un cercle au-dessus de celui-ci. Je l'observai, mais rien ne me vint. Cependant, je reconnaissais ce signe. Avait-il un quelconque rapport avec mon amnésie ? Ou bien avec ma carrière de criminel ?

     

     

       Pendant que les hommes discutaient, Roxane nettoyait la salle à présent vide. Les deux étrangers avaient bu chacun quatre bières. Will, lui, n'avait rien bu. Cela parut étonnant à Roxane.
    - Où comptez-vous allez ? demanda Will aux étrangers.
    - Shiryu veut aller à Kaderma, dit son coéquipier. C'est une grande ville où l'on peut jouer à des jeux d'argents.
    - Et c'est facile ?
    - Bien sûr ! répondit instantanément Shiryu. Surtout si j'y mets un peu du mien.
       Et il se remit à rire.
    - Comment vous êtes-vous connus ? demanda la jeune fille aux deux étrangers.
    - Par hasard ! dit le Cotorl.
    - Oui c'est vrai, Spyke était scellé dans une pierre et je l'ai libéré.
    - Quoi ?! Vous avez libéré un Ellecs ?! s'étonna Roxane.
       Spyke la fusilla du regard.
    - Et alors ? Je pense que Shiryu est pire que moi.
    - Oh! ça va ! dit-il. Si on peut même plus chercher des trésors tranquillement !
    - Mais je suis un trésor !
       Et tout deux rirent de bon cœur.
    - Si on pouvait en revenir à mon passé, reprit Will.
    - Je sais juste que tu fuyais quelque chose... ou quelqu'un !
       Roxane voyait que Will essayait de se remémorer ce moment, mais visiblement, il n'y arrivait pas... Elle l'appela, mais il ne répondait pas, encore plongé dans ses pensées.
    - WILL !!!
       Les trois hommes se tournèrent vers la tavernière.
    - Je... euh... je vais sortir apporter les plats de Madame Grita...
       Et elle sortit en toute vitesse, oubliant les plats, puis revint les chercher aussi vite qu'elle ressortit. Elle marqua une pause après avoir refermé la porte sombre de l'auberge pour reprendre son souffle. Elle avait le visage rouge.
    - Qu'est-ce qui m'a pris de crier comme ça ? Si je voulais parler à Will, il aurait fallu que je m'approche de lui. Quelle idiote !
       Puis elle se dirigea vers la maison de la doyenne du village.

     

     

       Spyke expliquait à Will ce qu'était un Ellecs lorsqu'ils entendirent un cri retentir dans tout Slomey. Will couru dehors, mais il faisait trop sombre pour voir à qui appartenait la voix. Spyke et Shiryu sortirent de la taverne, armes à la main. Un ours de la taille d'une église se dirigeait vers la sortie Ouest de la ville. Quand il passa devant les hommes, Will remarqua qu'il tenait une femme dans la patte gauche. C'était Roxane ! Une image de Roxane morte lui traversa l'esprit. Il courut à toute vitesse vers le Sud, sans prévenir les deux autres. Lorsque ceux-ci remarquèrent que Will était parti, Shiryu accusa la peur et les effets de l'alcool, puis commença à rentrer. Spyke le retint par la capuche, le forçant à s'arrêter.
    - Arrête ! Tu m'étrangles !
    - C'est ce qui t'arrivera si on n'aide pas cette jeune fille.
    - À quoi bon ! Ce n'est qu'une femme après tout.
    - Non. Je sens qu'elle est bien plus que ça...
    - Oh! Toi tu as des vues sur quelqu'un, dit Shiryu en rigolant.
    - Tu t'imagines vraiment des choses étranges !
       Et ils allèrent à la rencontre du monstre.

     

     

       Il avait le corps d'un grizzly mais la tête d'un sanglier avec des défenses d'éléphants. Il s'était arrêté devant une profonde rivière.
    - Je crois que notre grand ami a peur de l'eau, annonça Shiryu.
    - C'est un bon point pour nous, renchérit Spyke.
       Dès que le monstre les vit, il lâcha Roxane et chargea sur les deux étrangers.
       Spyke roula sur le côté tandis que Shiryu déployait ses ailes écarlates et s'envolait. Spyke devint donc la cible de la créature. Celle-ci se tourna vers lui. Spyke en profita pour essayer de le contrôler. Rien ne se produisit.
    - Quelqu'un doit le contrôler de plus loin ! cria-t-il à Shiryu. À moins que Roxane n'ait essayé de le faire.
       Mais il était déjà parti à la recherche du maître de cette créature.
       Spyke roula de nouveau sur le côté puis donna un violent coup d'estocade à la bête. Celle-ci émit une complainte aiguë. Un liquide noirâtre coula le long de son épaisse fourrure. Spyke continua ainsi à esquiver et contre-attaquer en attendant le retour de Shiryu.
       Quand celui-ci arriva, bredouille, Spyke fit une gaffe. Il détourna les yeux pour le voir et le monstre en profita pour l'attaquer. Spyke eu juste le temps de sauter sur la gauche, mais le monstre lui entailla le bras droit. Shiryu se dépêcha de le mettre à l'écart, car il ne pouvait plus mouvoir son arme. Il en profita pour ramener Roxane, puis se posta au-dessus de la rivière.
    - Mais où est passé Will ? se demanda-t-il.
       Celui-ci arriva, tout essoufflé.
    - Où étais-tu passé ? lui cria Shiryu.
       Il lui montra les deux sabres qu'il avait en main.
    - Où est Roxane ? lui répondit-il.
       En échange, il lui montra les racines du grand chêne où étaient cachés Roxane et Spyke, toujours assommés.
    - Bon, je vais tenter quelque chose, dit Shiryu.
       Il leva les mains vers le ciel comme pour l'implorer et marmonna des paroles incompréhensibles. Une violente pluie se mit à tomber. La bête, qui n'aimait pas l'eau, essayait d'éviter les nombreuses gouttes, mais son imposante taille l'empêchait dans rater une seule.
       Will en profita pour s'approcher de lui pendant que Shiryu lui envoyait des boules d'eau qu'il prenait du petit fleuve. Quand elles arrivaient sur la créature, elles provoquaient un phénomène étrange. Des plaques rouges apparaissaient sur sa peau et brûlaient son pelage. Will visait donc ces tâches cramoisies, causant de profondes blessures. Soudain, le monstre se retourna d'un seul coup et Will se prit une de ses défenses. Malheureusement, il ne put s'y accrocher, car l'eau la rendait glissante. Il fut projeté dans le cours d'eau.
       Pensant qu'il remonterait, Shiryu continua à envoyer des boules sur le monstre. Mais Will ne remontait pas et but la tasse.

     

     

       Shiryu aida Roxane à réveiller Will tandis que Spyke examinait le corps étourdi d'Olaf, le forgeron. Le soleil commençait à se lever. Des arbres gisaient à l'orée de la clairière et des flaques de boue rendaient le sol glissant. Seul un jeune saule près de la rivière avait résisté à l'intensité de l'affrontement.
       Lorsque Will reprit ses esprits, il chercha à protéger Roxane du monstre, puis vit le calme de la forêt et Olaf, et enfin commença à claquer des dents. Il était trempé jusqu'aux os et ses vêtements lui collaient à la peau. Shiryu alluma un feu pendant que Will s'informait de l'issue du combat.
       Shiryu le fixa dans les yeux.
    - Tu ne te souviens de rien ? demanda-t-il.
       Will le trouvait étrangement calme.
    - Non.
       Shiryu ne savait pas s'il devait lui révéler la vérité.
    - Moi, tout ce que je sais, commença Roxane, c'est qu'Olaf et le monstre sont la même personne.
       Spyke venait d'arriver.
    - Sérieux ? Je le savais ! C'est l'odeur qui m'a mis sur la piste. Ou bien le poids !
       Tous rirent sauf Shiryu.
    - Ça ne va pas ? demanda Will.
    - Hum ? Si si. Enfin... tu ne t'es jamais rendu compte que tu...
       Shiryu ne savais pas comment l'expliquer.
    - Que je ne savais pas nager ? essaya de finir Will. Eh bien, j'ai dû oublier avec mon amnésie. Mais quand j'ai coulé, j'ai avalé une grande quantité d'eau puis je me suis évanoui. C'est ce que vous vouliez savoir ?
       Shiryu avait l'impression qu'il l'inspectait de l'intérieur avec ses étranges yeux bleus.
    - Oui, c'est ça, répondit-il sans conviction.
       Will l'observa encore quelque temps puis se tourna vers Roxane pour voir si elle allait bien. Spyke était parti faire une sieste, en grand flemmard qu'il était. Alors, le jeune amnésique lui posa cette question :
    - Au fait, qu'êtes-vous ? Vous portez des ailes et vous pouvez contrôler l'eau et le feu.
    - Je commande aussi à l'air, la terre et la foudre. Je suis un Démon.
       Roxane et Will le dévisagèrent, étonnés par cette révélation.
    - Un Démon... comme dans ces vieilles légendes sur les divinités ?
    - Oui. Il existe des Dieux et des Démons. Les Dieux ont la peau si pâle qu'on croirait pouvoir voir à travers. Alors que les Démons ont la peau aussi sombre que la nuit.
    - Pourtant, tu n'as pas la peau noire. Et puis, les Démons sont sensés être des esprits mâlins, non ?
    - Roxane... Sache que Dieu ou Démon ne conditionne pas ta nature. Regarde Will : c'est un criminel et pourtant, est-il dangereux ? Pour ma couleur de peau, par contre, je n'en connais pas la cause. Mon père était un Démon mais je n'ai jamais connu ma mère. Peut-être était-elle humaine ?
       Will acquiesça, encore un peu secoué par ce qu'il venait de lui arriver. L'issue du combat, Shiryu s'en souvenait très bien. Il en était encore étonné. Cette apparition n'avait rien de normal. Un démon dans un humain était très étrange.


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  •    Shiryu envoyait encore des boules aqueuses lorsqu'il ressentit une énergie encore plus démoniaque que la sienne. Will sortit de l'eau, trempé. C'est alors que Shiryu remarqua que l'énergie émanait de son corps. Will le regarda et Shiryu vit que ses yeux normalement bleus étaient devenus entièrement noirs. Sa peau avait noirci et sur ses bras apparaissaient d'étranges tatouages clairs.
       Will, ou du moins l'homme qui lui ressemblait, marcha vers le monstre tout en chargeant ses paumes d'une lueur violacée. Les tatouages s'illuminèrent et, tandis que la créature lui fonçait dessus, il laissa partir son attaque qui frappa son adversaire à deux endroits différents : le cœur et le front. Dans un cri d'animal qu'on va abattre, le monstre tomba sur le côté, fumant et essoufflé, s'évanouit et prit une forme humaine. Will aux yeux noirs se tourna vers le seul combattant encore debout. Il fronça les sourcils en regardant Shiryu puis marmonna quelques paroles dans une langue qu'il n'avait pas entendue depuis longtemps, la langue des Démons.
    - Que fais-tu ici, jeune Démon ? demanda-t-il.
       On aurait dit une voix d'outre-tombe. La sonorité rocailleuse du langage n'arrangeait en rien le doute de Shiryu.
    - Qui es-tu ? demanda celui-ci dans le langage humain.
    - Comment ? Tu ne me reconnais pas ?
       En observant les cercles sur sa peau, il comprit.
    - Botukné, le roi du monde Démoniaque ! chuchota Shiryu comme pour lui-même.
    - Oui, TON roi ! Je repose ma question, que fais-tu ici ? répéta-t-il.
       Shiryu était trop estomaqué pour pouvoir répondre. Que faisait son roi ici ? Et pourquoi possédait-il Will ? Que se passait-il ? Mais ce qu'il voulait vraiment savoir, c'était comment il fallait se comporter devant le roi des Démons. En effet, Shiryu avait toujours vécu loin des autres Démons, il ne connaissait donc pas leurs us et coutumes, bien qu'il en soit un.
    - Ce genre de formalités ne m'intéresse guère pour le moment, jeune Shiryu. Réponds à ma question et tu obtiendras des réponses.
    Shiryu se dépêcha de lui dire pourquoi il se trouvait ici.
    - Je vois, dit Botukné, tu as tout à fait le droit de faire ce que tu veux, surtout si un homme a une dette envers toi. Pour mettre fin à tes interrogations, je me suis réfugié dans ce corps lorsqu'une horde de Démons de bas étages a essayé de me détrôner. Malheureusement pour eux, j'ai des espions un peu partout.
       Il marqua une pause devant l'incompréhension de Shiryu.
    - Bref, voici pourquoi je suis dans le corps de ton ami, reprit le roi. J'avais réussi à y rester enfermé pendant longtemps quand je me suis réveillé dans l'eau, contrôlant le corps de mon hôte.
       Shiryu fronça les sourcils. Il ne savait pas vraiment ce qu'il devait faire.
    - Qu'attendez-vous de moi ? se risqua-t-il à demander.
    - Je voudrais que tu gardes en œil sur cet homme. Je sens qu'il renferme un immense potentiel qui pourrait l'aider à retrouver la mémoire.
    - Sait-il que vous êtes dans son corps ?
    - Non, et en aucun cas il ne doit l'apprendre. Il voudrait se débarrasser de moi et les Démons qui m'en veulent me trouveraient et me tueraient. Je ne connais rien de son passé, je ne suis donc d'aucune utilité. Sauf s'il venait à mourir, mais cela voudrait dire que tu as mal fait ton boulot. Est-ce bien clair, Shiryu, fils de Fikron ? questionna le roi.
       Shiryu acquiesça.
    - Je vous le promets.
       Soudain, une sphère de lumière apparut entre les deux Démons et les enveloppa.
    - Lorsqu'un Démon fait une promesse, il se doit de la tenir où il mourra ! fit une voix caverneuse.
       Puis la lumière disparut et le calme revint dans la clairière.


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